Maltraitance institutionnelle de personnes présentant un handicap

L’arbre ne doit pas cacher la forêt…

Récemment, des familles de résidents du centre pour déficients visuels («Blannenheem») situé à Rollingen, près de Mersch, se sont manifestées publiquement pour dénoncer la gestion de l’établissement et la dégradation constante de la qualité des prestations prodiguées à leurs proches. Les familles considèrent notamment que les priorités purement financières poursuivies par la direction font que leurs proches «ne sont plus traités comme des humains, mais plutôt comme des objets».

Le département des Travailleurs handicapés (DTH) de l’OGBL tient tout d’abord à saluer chaleureusement cette prise de parole dans l’espace public de la part des familles concernées et à leur exprimer son entière solidarité.

Régulièrement contacté pour des faits similaires, le DTH ne peut en effet que confirmer l’existence de telles pratiques, qui dépasse largement les circonstances liées à la crise du COVID-19, comme le précisent d’ailleurs les familles des résidents du centre de Rollingen elles-mêmes. Le DTH tient également à souligner que de telles pratiques inacceptables sont constatées depuis plusieurs années dans de nombreux établissements accueillant des personnes présentant un handicap et que le centre pour déficients visuels de Rollingen est donc loin de constituer un cas isolé en la matière.

Cela fait désormais plusieurs années déjà en effet que le DTH observe et dénonce une évolution inquiétante au sein des établissements accueillant des personnes présentant un handicap dont la gestion ressemble de plus en plus à celle d’entreprises marchandes et commerciales, mues par le seul profit. L’aspect financier de l’activité au sein de ces structures semble avoir définitivement pris le dessus sur la qualité des prestations prodiguées et le bien-être psychique de leurs locataires, sans parler du manque chronique de personnel dont souffrent ces établissements pour accomplir leur mission de façon satisfaisante. L’OGBL tient à souligner ici qu’il ne remet absolument pas en cause le travail et l’engagement exemplaire du personnel encadrant dans ces structures qui souffre lui-même des conditions insatisfaisantes dans lesquelles il doit travailler.

Le département des Travailleurs handicapés de l’OGBL souhaite aussi tout particulièrement attirer l’attention sur la condition des personnes présentant un handicap qui vivent dans ces établissements. A partir du moment où elles y entrent, il faut bien avoir conscience, qu’actuellement, c’est comme si elles perdaient une partie de leurs droits fondamentaux en tant que citoyens, comme par exemple celui de choisir leur médecin, de refuser un traitement, d’être informées de la nature de leur médication ou bien encore d’aller et venir à leurs grès. Une situation d’autant plus inacceptable que le cadre qui leur est imposé relève exclusivement de décisions prises par les directions de ces établissements et non de prescriptions définies par l’Etat.

La crise du COVID-19 a bien évidemment encore davantage aggravé cette situation. Certes, l’ensemble de la population s’est vue imposée une restriction de ses libertés individuelles au cours des derniers mois, mais dans la plupart des établissements dont il est ici question, les personnes qui y vivent subissent actuellement toujours un régime équivalent presque à une privation totale de liberté. Par ailleurs, les visites que peuvent recevoir chaque résident sont réduites jusqu’à la fin de l’année à seulement 1-2 par mois.

Le département des Travailleurs handicapés de l’OGBL dénonce fermement les conditions de vie imposées arbitrairement aux personnes présentant un handicap par les directions dans les établissements spécialisés. Afin de remédier à cette situation, le DTH revendique depuis plusieurs années un véritable droit de regard des résidents, de leurs familles et du personnel encadrant en ce qui concerne les conditions de vie dans ces structures. L’OGBL préconise dans ce contexte la mise en place, au sein de chaque établissement, d’une commission composée de représentants des résidents, de leurs familles, du personnel encadrant et de la direction afin de prendre en charge cette mission. De même, l’OGBL revendique que les résidents, leurs familles et le personnel encadrant soient représentés au sein des Conseils d’administration de ces structures

Par ailleurs, l’OGBL revendique que tout agrément, délivré par l’Etat à un établissement pouvant accueillir des personnes présentant un handicap, soit conditionné à l’obligation contraignante pour l’institution en question (sous peine de perdre son agrément) de respecter la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées, notamment en ce qui concerne la privation de liberté (Art. 14), le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains, humiliant et dégradants (Art. 15), le droit à l’autonomie et à l’inclusion (Art. 19) et le droit au respect de la sphère privée et à une vie de famille (Art. 22).

Enfin, au-delà des seules structures d’hébergement, le département des Travailleurs handicapés de l’OGBL revendique l’application des mêmes mesures — l’introduction d’une commission composée de représentants d’usagers, de leurs familles, du personnel encadrant et des directions ainsi que l’obligation de respecter la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées sous peine de perdre son agrément — également dans les ateliers protégés qui emploient des personnes présentant un handicap.

Communiqué par le département des Travailleurs handicapés de l’OGBL,
le 9 juin 2020