Dans son avis sur le budget de l’État 2026, la Chambre des salariés (CSL) met en évidence une contradiction persistante entre la communication gouvernementale et les réalités budgétaires présentées dans le projet de loi. Sur le plan macroéconomique, le Luxembourg évolue dans un contexte de croissance réelle (neutralisant l’effet de l’inflation) faible, proche de la stagnation, qui s’inscrit dans une tendance européenne. Malgré cela, la croissance nominale (qui inclue l’effet de l’inflation) demeure relativement solide, tirée par les prix, la consommation et l’activité de certains secteurs spécifiques, notamment les services financiers. Pour la CSL, cette situation confirme que la dynamique économique repose essentiellement sur la demande intérieure et non sur les baisses d’impôts ou incitations fiscales accordées aux entreprises, dont l’effet sur l’investissement productif reste limité.
Le marché du travail illustre également un affaiblissement structurel: la création d’emplois ralentit, le chômage augmente, et les formes d’emploi précaires gagnent du terrain, en particulier chez les jeunes, les travailleurs peu qualifiés et les personnes proches de la fin de carrière. La CSL salue la hausse des crédits consacrés au reclassement et à la formation, mais rappelle que ces mesures ne peuvent porter leurs fruits sans une amélioration concrète de la qualité des emplois proposés, notamment en matière de stabilité, de rémunération et d’organisation du travail. Elle souligne que les entreprises ne pourront résoudre les pénuries de main-d’œuvre qu’en rendant les métiers plus attractifs.
Les finances publiques représentent malgré tout un point de stabilité: dette faible, déficit maîtrisé et respect intact de la règle d’or. Le Luxembourg conserve ainsi une position budgétaire enviable au niveau européen. La CSL insiste sur le fait que ces indicateurs favorables ne justifient en aucun cas une limitation des dépenses sociales, d’autant plus que les besoins augmentent. Elle plaide pour une fiscalité plus progressive permettant de mobiliser davantage les revenus du capital et du patrimoine afin de financer durablement les investissements sociaux et climatiques.
L’objectif de consacrer 2% du RNB à la défense dès 2026, puis 5% à l’horizon 2035, fait exploser les crédits dans ce domaine, au détriment d’autres priorités « cruciales ».
L’écart entre les investissements annoncés et ceux réellement réalisés constitue un motif particulier d’inquiétude. Les domaines clés – infrastructures, chemins de fer, hôpitaux, entretien des routes – ne bénéficient pas pleinement des crédits prévus, et les retards persistent d’année en année. La situation est encore plus critique dans le secteur du logement: en pleine crise marquée par une chute de la construction, une forte contraction de l’accès au crédit et une explosion du taux d’effort des ménages, les dépenses publiques ne progressent que marginalement. Les montants mis en avant par le gouvernement reposent souvent sur des chiffres non ajustés qui surestiment l’effort réel. Pour la CSL, cette approche manque d’ambition et de cohérence au regard des besoins urgents du pays.
La transition écologique rencontre également des obstacles majeurs. Les émissions diminuent trop lentement et les prévisions officielles montrent un risque réel de non-respect des objectifs européens à l’horizon 2030, surtout dans les bâtiments résidentiels. La hausse durable des prix de l’énergie et la fiscalité environnementale pèsent lourdement sur les ménages modestes, accentuant la précarité énergétique. La CSL plaide pour un renforcement ciblé des aides, une meilleure prise en compte des réalités sociales et la mise en place de dispositifs de préfinancement accessibles afin d’encourager la rénovation énergétique.
Enfin, la volonté du gouvernement d’accroître fortement les dépenses militaires constitue un point de rupture pour la CSL. L’objectif de consacrer 2% du RNB à la défense dès 2026, puis 5% à l’horizon 2035, fait exploser les crédits dans ce domaine, au détriment d’autres priorités pourtant régulièrement qualifiées de «cruciales». Les moyens consacrés au logement, à la lutte contre la pauvreté ou aux investissements sociaux progressent beaucoup moins vite, ce qui remet en question la hiérarchie des priorités annoncée publiquement. Pour la CSL, la sécurité nationale ne doit pas se comprendre uniquement sous l’angle militaire: la sécurité humaine – logement, pouvoir d’achat, services publics, transition climatique – mérite une attention et une mobilisation budgétaire équivalentes, voire supérieures.
L’article a été publié dans l’Aktuell (5/2025)
Le gouvernement affirme que 46 % des dépenses de l’État sont constituées de transferts sociaux, suggérant un budget fortement orienté vers la protection des ménages. Dans son avis, la CSL démonte ce chiffre, qu’elle juge trompeur et méthodologiquement discutable.
Selon son analyse, l’agrégat utilisé englobe une série d’éléments qui n’ont aucun lien direct avec les ménages, parmi lesquels:
En neutralisant ces postes, la part réelle des dépenses profitant effectivement aux ménages—transferts directs (prestations sociales) et transferts indirects (participations aux régimes sociaux) — n’atteint que 34,5 %.
La CSL souligne également une dérive préoccupante: la collectivisation croissante de certains coûts initialement supportés par les employeurs, notamment via la Mutualité des Employeurs, dont plus d’un tiers des dépenses sont désormais financées par le budget de l’État. Pour la Chambre, il s’agit d’un subventionnement indirect des entreprises, difficilement compatible avec l’objectif d’équité sociale.
Ce constat s’oppose frontalement à la narration gouvernementale d’un budget fortement social. Pour la CSL, l’effort public réel en faveur des ménages est bien plus limité qu’annoncé, au moment même où les indicateurs sociaux virent au rouge. Elle appelle donc à une réévaluation urgente des priorités budgétaires, en particulier pour le logement, la lutte contre la pauvreté et les politiques familiales.
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