Personnes à mobilité réduite: les obstacles persistent!

Un an et demi après la réforme du service de transport destiné aux personnes à mobilité réduite (le service Adapto), la situation est encore loin d’être satisfaisante pour les personnes concernées. Pour certaines d’entre elles, la situation s’est même empirée. C’est le bilan que dresse le collectif 1329 qui, à l’occasion de la semaine européenne de la mobilité qui s’est tenue du 16 au 22 septembre derniers, a souhaité attirer l’attention sur les obstacles que continuent de rencontrer au Luxembourg les personnes à mobilité réduite.

Pour rappel, le collectif 1329 s’était constitué en 2019 au moment des débats autour, précisément, de la réforme du service Adapto. Ce collectif est composé du département des Travailleurs handicapés (DTH) de l’OGBL, du syndicat Transport sur Route/ACAL de l’OGBL, de l’association «Nëmme Mat Eis!», de l’ULC et d’Ana Pinto (qui n’est autre que l’auteure en 2019 de la pétition 1329) réclamant la gratuité des transports pour les personnes à mobilité réduite. Une pétition qui avait d’ailleurs connu un franc succès et avait même conduit le ministre de la Mobilité à revoir son projet de réforme en rendant le service Adapto désormais gratuit, ce qui est donc le cas depuis le 1er mars 2020.

Si le collectif 1329 salue évidemment l’introduction de la gratuité du service Adapto, d’autres dispositions de la réforme sont venues quant à elles affaiblir la qualité du service. Ainsi, par exemple, la centralisation du système de réservation au sein de la «Mobilitéitszentral» est venu drastiquement rallonger le temps d’attente au téléphone avant d’obtenir un interlocuteur (ce qui, en cas de problème peut avoir des conséquences dramatiques pour la personne concernée en fonction de son handicap, p.ex. un minibus qui n’arrive pas alors qu’il a été réservé laissant l’usager seul au milieu de la nature). Quant à l’application digitale mise en place pour passer une réservation, celle-ci ne permet plus de savoir en avance même le nom de l’entreprise qui prendra en charge le trajet, alors qu’auparavant les usagers avaient le plus souvent toujours à faire au même chauffeur de la même entreprise, qui connaissait donc également leurs besoins spécifiques.

Mais là n’est pas le plus grave. En effet, depuis l’introduction de la gratuité du service Adapto, toute une série d’anciens bénéficiaires se sont vus tout simplement retirés leur droit à ce service, au motif que leur handicap ne serait «pas si grave» et que l’Etat aurait beaucoup investi ces dernières années dans les transports publics pour les rendre accessibles aux personnes à mobilité réduite. Notons au passage que certains anciens bénéficiaires qui se sont vus retirer leur droit à l’Adapto et qui ont fait un recours contre cette décision, lorsqu’ils avaient un permis de conduire, se le sont fait confisquer sur arrêté ministériel (=plus d’Adapto ni de permis de conduire).

Le collectif 1329 tient à souligner dans ce contexte que si lui aussi plaide pour une inclusion maximale des personnes à mobilité réduite, il faut tout de même tenir compte du fait que, premièrement, certaines personnes, au regard de la gravité de leur handicap, auront toujours besoin de recourir à un service de transport spécifique. Et, deuxièmement, que les infrastructures actuelles sont aujourd’hui encore loin de satisfaire les besoins existants. Ainsi, comme le révèle le ministre de la Mobilité lui-même dans une récente réponse parlementaire, seuls 17 % des arrêts de bus et des quais de gare du pays sont actuellement aménagés pour pouvoir accueillir des personnes en fauteuil roulant et que seulement 7 % d’entre eux sont équipés de bandes podotactile dont ont besoin les personnes malvoyantes. Car il faut bien avoir conscience que des transports publics accessibles aux personnes à mobilité réduite ne signifient pas seulement de disposer de bus et de trains adaptés, il faut également que les personnes concernées puissent y accéder.

Les membres du collectif 1329 déplorent par ailleurs un manque d’écoute de la part du ministère qui donnerait très peu de suites à leurs sollicitations. Or, comme ils l’expliquent, la réussite en la matière par exemple du tram — qui garantit une accessibilité optimale pour les personnes à mobilité réduite – réside précisément dans le fait que des personnes à mobilité réduite diverses ont été associées dès le début dans la conception du projet.

Le collectif invite les députés à faire l’expérience dans leur chair

Afin de sensibiliser le monde politique aux difficultés que présente aujourd’hui toujours le fait de devoir se déplacer par les transports publics au Luxembourg lorsqu’on est une personne à mobilité réduite, le collectif 1329 a invité les partis politiques représentés à la Chambre des députés à en faire l’expérience dans leur chair. Ainsi, les députés sont invités à effectuer un trajet en simulant une situation de handicap (yeux bandés et bâton / fauteuil roulant / attelle fixée à une jambe et béquilles). Plusieurs députés ont déjà pris part à l’expérience, dont le président de la commission des Transports à la Chambre des députés, qui a d’ailleurs connu une petite mésaventure lors de celle-ci. Heureusement rien de grave! D’autres députés ont déjà pris rendez-vous ou manifesté leur intérêt et devraient donc participer dans les semaines à venir.

Le collectif espère enfin que le ministre de la Mobilité se prêtera également à cette petite expérience. Car en effet, comme bien souvent, il y a la théorie, et puis il y a la pratique dans sa matérialité concrète…