Semestre européen

Faire les bons choix … pour éviter la chute!

L’OGBL et les deux autres syndicats représentatifs au niveau national étaient réunis avec la fédération patronale UEL et le gouvernement le 1er février 2017 à la Chambre de Commerce. Il s’agissait du premier échange de vues de l’année, placé sous l’égide du Conseil économique et social (CES), s’inscrivant dans le cadre du cycle de concertation du semestre européen. Pour rappel, le semestre européen constitue le principal outil de coordination des politiques budgétaires européennes visant à ce que les politiques nationales contribuent à la réalisation des objectifs communs fixés dans l’UE.

Lors de son intervention, dans une sorte de déni des réalités sociales et politiques qui traversent actuellement l’Europe, l’UEL a ouvertement critiqué l’appel salutaire – même s’il reste très modeste – de la Commission européenne, visant à mettre un terme à l’austérité budgétaire. L’UEL continue ainsi à prôner la rigueur budgétaire et des «réformes structurelles» d’ordre néolibéral.

Les syndicats ont pour leur part d’emblée tenu à replacer la discussion relative au semestre européen dans le contexte politique actuel. Un contexte sans lequel cette discussion n’a aucun sens. Il faut en effet se rendre à l’évidence: l’Europe ne dispose plus d’une nouvelle tranche de 60 ans d’Histoire pour assurer son avenir et tenter de reconquérir ses citoyens qui ont largement commencé à se détourner d’elle. L’électrochoc dont elle a besoin pour assurer au mieux sa réanimation, au pire sa survie doit intervenir d’urgence. L’Union doit cesser d’attendre les crises successives pour se construire et doit apprendre à les prévenir et les anticiper en forgeant les évolutions nécessaires non seulement à son avenir, mais tout simplement à son futur très proche.

Les peuples souffrent, et il importe d’apaiser cette souffrance. Ignorer la vague de défiance de l’Europe en s’enfermant dans sa tour d’ivoire n’arrêtera pas la déferlante; surfer sur la vague destructrice des populismes non plus. Entendre et rencontrer les aspirations des citoyens, celles qui se manifestaient pour une «Europe sociale», déjà bien avant le tournant de la crise de 2008-2009 et les évolutions géopolitiques qui ont tendu le climat depuis lors, apparaît en revanche comme la sortie des sentiers battus qui pourra rendre un minimum d’espoir et de confiance en l’Europe, alors qu’elle a délaissé et maltraité ses travailleurs depuis de trop longues années.

L’Europe semble arriver à un carrefour, et il lui faut bien réfléchir, pour bien agir… et éviter la chute. L’aggiornamento européen ne peut pas se limiter à une remise en question temporaire et superficielle comme entre 2009 et 2011, mais doit mener à une introspection profonde sur les causes et les échecs des politiques univoques des 30 dernières années qui poussent à la toujours plus grande désunion européenne et à un ras-le-bol citoyen.

La montée des populismes, du repli sur soi, de l’individualisme ont été encouragés par les politiques actuelles, leurs échecs, le refus de reconnaître ces échecs et les erreurs sous-jacentes. Et c’est souvent dans le refus de reconnaître nos erreurs que se trouve la source de nos maux, et par conséquent le refus de les corriger.

Ce changement de cap pour redonner vie à l’Europe, pour remettre du lien, pourrait passer par le renforcement de la protection sociale. Comme l’indiquent les citoyens eux-mêmes dans toutes les enquêtes qui ont été menées: l’élément qui pourrait le plus renforcer le sentiment d’être Européen est l’instauration d’un système européen harmonisé de protection sociale entre les États membres (soins de santé, éducation, retraites, etc.).
Il est prioritaire, enfin, de s’occuper directement et réellement de la demande intérieure, de l’investissement, certes, mais également et tout particulièrement des salaires européens.


Semestre européen 2017: les revendications portées par les syndicats

Les propositions des syndicats visent, de manière générale, à stimuler la demande intérieure: par des investissements publics mais également et tout particulièrement par de meilleurs salaires.

Sur le plan européen:

  • introduction progressive d’une véritable règle d’or des finances publiques (avec pour objectif d’immuniser une partie de l’investissement public)
  • mise en place d’une politique salariale positive concertée, dans le cadre d’un modèle de croissance par les salaires au lieu des pratiques actuelles de désinflation salariale et de transferts du travail vers le capital
  • introduction d’un salaire minimum européen décent
  • renforcement du pouvoir de négociations des syndicats et augmentation du taux de couverture des conventions collectives
  • introduction d’un socle européen de droits sociaux
  • investissement dans les infrastructures (sociales et de type capital fixe) et amélioration de la compétitivité hors coût des pays pour améliorer leur capacité d’exportation

Au Luxembourg:

  • un coup de pouce généralisé aux salaires qui s’avère primordial, par exemple par la fixation d’un écart temporel maximal entre deux tranches indiciaires
  • une augmentation structurelle du salaire minimum d’au moins 10% pour lui octroyer un niveau plus approprié aux conditions sociales et économiques locales
  • une révision du RMG qui, si elle doit être structurelle à moyen terme, passe à court terme par le rattrapage d’un minimum d’1,7 point de % sur les salaires
  • une révision de l’indemnisation du chômage face à une augmentation du chômage de longue durée et la baisse de la proportion des demandeurs d’emploi non indemnisés
  • un soutien aux (petites) pensions pour le préjudice subi alors qu’elles accusent également un retard sur les salaires
  • une revalorisation des prestations familiales par un mécanisme promis mais qui se fait attendre
  • une meilleure régulation du marché de l’immobilier qui est régulièrement mis à l’index par la Commission, notamment par le truchement de taxes obligatoires sur la rétention de terrains ou de logements vides
  • une fiscalité en faveur du pouvoir d’achat par la revalorisation et l’indexation du barème, l’exonération du SSM et la réduction supplémentaire de la «bosse des classes moyennes»
  • une fiscalité mieux équilibrée entre revenus du travail et du capital, en faveur des premiers alors que les seconds paient, pour un revenu donné, six fois moins d’impôts
  • une réforme positive de l’assurance dépendance alors que le projet en instance risque de conduire à des dégradations des prestations fournies et n’améliore pas la qualité du système
  • un encadrement des licenciements économiques et la promotion du maintien dans l’emploi
  • une législation adaptée sur les faillites
  • un renforcement du volet préventif du droit du travail
  • l’amélioration du dialogue social infranational
  • un investissement approprié dans le système éducatif, qui, dans le cadre des transformations de l’économie nationale, offrirait de meilleures chances pour résorber ab initio les handicaps d’opportunité ainsi qu’un véritable droit à la formation continue individuelle et collective

>> Semestre européen 2017 : document présenté par les syndicats représentatifs au niveau national (pdf)