A qui profite l’index «plafonné»?

André Roeltgen, secrétaire général de l’OGBL
André Roeltgen, secrétaire général de l’OGBL

1 milliard d’euros de pertes en salaire et en pouvoir d’achat pour les salariés. Voilà ce que sera le résultat cumulé vraisemblable quand on tirera l’année prochaine le bilan des différentes manipulations de l’index depuis 2006.

Le Premier ministre Jean-Claude Juncker vient de proposer à son parti, le CSV, de continuer cette redistribution massive au profit des entreprises et des détenteurs du capital. L’attaque sur les salaires devrait devenir encore plus aiguë.

L’index «plafonné» fera partie intégrante du programme électoral du CSV. Juncker, Wolter et compagnie, même s’ils ne le disent pas ouvertement, visent surtout la classe moyenne des salariés aux salaires normaux. S’ils le disaient ouvertement, personne ne soutiendrait cette proposition. Les gens ne s’enthousiasment pour l’index «plafonné» que s’ils ont l’image d’un cadre supérieur au gros salaire en tête qui roule en Porsche, mais qui paie le même prix pour une livre de beurre que ceux qui gagnent le salaire social minimum.

La revendication légitime de nombreux gens pour plus de justice et d’équité en termes de salaires et de revenus doit trouver des réponses politiques responsables. Or, l’index «plafonné» – c.-à-d. geler l’adaptation à l’inflation à partir d’un certain niveau de salaire – ne satisfait pas à cette exigence, et cela sous plusieurs aspects.

L’affirmation que l’index «plafonné» mènerait à plus d’équité salariale est tout simplement fausse. La masse salariale libérée par une telle manipulation de l’index ne sera pas distribué vers le bas. Une diminution salariale pour la classe moyenne des salariés tirera évidemment le salaire social minimum (SSM) et les faibles salaires vers le bas, et non pas l’inverse. Le «plafonnement» correspond en premier lieu aux revendications de l’OCDE, de l’UEL et de dirigeants du CSV, qui réclament un «assouplissement» et une révision vers le bas du SSM. En plus, l’index «plafonné» casserait le système existant des négociations collectives. Enfin, l’introduction du «plafonnement» sera une étape majeure vers la suppression définitive du mécanisme indiciaire.

Et les hauts revenus? Outre les détenteurs du capital et les propriétaires des entreprises, ils seront objectivement les gagnants des manipulations de l’index. C’est déjà le cas aujourd’hui et le sera encore davantage en cas de «plafonnement». Une diminution de salaire pour la masse des salariés ouvre plus de marge de manœuvre pour la fixation de leurs revenus. Ce qui correspond aux propositions du président de la fédération bancaire ABBL, qui ne cesse de demander que les revenus des «élites» soient tirés vers le haut. Si la politique continue sur ce chemin, l’écart des salaires et des revenus au Luxembourg deviendra encore plus grand!

L’OGBL revendique la restauration intégrale du système de l’indexation automatique. Donc, il dit clairement NON à toutes les propositions de manipulation anciennes et nouvelles que le gouvernement 2014-2019 pourrait (re)mettre sur la table. Qu’il n’y ait pas de malentendus sur cette question! L’OGBL s’oppose également à toute autre manipulation de l’index telle que la limitation à une tranche par an ou la neutralisation des produits pétroliers. Dans d’autres termes: si le LSAP ou le ministre de l’économie Etienne Schneider s’opposent au «plafonnement», c’est à saluer, mais c’est encore loin d’être suffisant. La même chose vaut pour le parti des Verts.

On n’aidera le Luxembourg ni économiquement ni socialement avec de nouvelles attaques contre l’index. Les manipulations de l’index ont un impact négatif sur la demande intérieure, qui devrait au contraire être soutenue en temps de récession. Les manipulations de l’index ne contribuent pas non plus à l’amélioration de la situation des finances publiques.

Pour avoir plus d’équité salariale et de justice sociale, il faut rendre le dialogue social dans les entreprises et dans les négociations collectives plus performant et la fiscalité luxembourgeoise plus juste. Ceci inclut, à côté d’une réforme de l’impôt sur le revenu, également et surtout des réformes concernant la taxation du capital. C’est là, soit dit en passant, où l’on trouve l’argent pour alimenter le Fonds pour l’emploi et pour lutter contre le chômage, et non, comme le propose le Premier ministre Juncker, en prenant l’argent uniquement dans la poche des salariés par le biais d’un index «plafonné».