Mise au point

Un bien pauvre plan pour lutter contre la pauvreté!

Deux ans après avoir annoncé en grandes pompes que la «priorité numéro un» du nouveau gouvernement serait la lutte contre la pauvreté, les ministres Hahn, Deprez et Meisch ont enfin présenté leur plan de lutte contre la pauvreté lors d’une conférence de presse le 8 décembre dernier.
Le jour même où le le Premier ministre Luc Frieden annonçait le départ de Georges Mischo, sapant ainsi sa propre priorité numéro un.

Résultat: plus personne n’a accordé d’importance à ce moment tant attendu, toute l’attention étant tournée vers le remaniement du gouvernement. Et ce, après avoir démenti pendant des semaines toute rumeur sur d’éventuels changements au sein du gouvernement. Le tout, deux jours avant la publication d’un sondage de popularité des acteurs politiques, qui est venu témoigner d’une chute vertigineuse de celle du Premier ministre.

D’un point de vue communicationnel, c’est un désastre. D’un point de vue politique, c’est encore pire.

Venons-en donc à la pauvreté. Son niveau est important dans notre riche pays. Nous le savons et le dénonçons depuis des années. En même temps, les inégalités continuent d’augmenter. Le Luxembourg affiche notamment le taux le plus élevé de «working poor» de toute l’Union européenne, c’est-à-dire des gens qui malgré le fait d’avoir un emploi vivent quand-même sous le seuil de pauvreté.

Les familles, les monoparentaux, les enfants, les jeunes sont tout particulièrement exposés à des risques croissants de précarité ou de pauvreté. Même la Commission européenne a averti le Luxembourg en raison des indicateurs sociaux relatifs à la pauvreté. Il est incontestable que nous devons agir.

La mise en place d’un plan de lutte contre la pauvreté est une revendication de longue date de l’OGBL. Les cartes sont désormais posées sur la table. Et comme bien souvent, nous constatons ici aussi que quantité ne vaut pas qualité: 106 mesures au lieu de quelques mesures précises et concrètes comme l’auraient été l’augmentation du salaire social minimum, le plafonnement des loyers, une hausse structurelle de la pension minimum.

Évidemment, on retrouve dans la multitude de mesures gouvernementales également certaines pistes intéressantes, mais il s’agit là surtout de simplifications pour les demandeurs d’aide en ce qui concerne les démarches à suivre. Mise à part l’augmentation des allocations familiales (mais seulement à partir de 2027), force est de constater que pas grand-chose ne changera dans le porte-monnaie des plus démunis… alors que des mesures nécessaires s’imposeraient dans des domaines liés au travail. Comme déjà évoqué, le plus urgent serait une augmentation d’au moins 10% du salaire social minimum. Mais à côté de cela, il faudrait lutter contre la précarisation du travail des jeunes, contre les nouvelles formes de travail flexibles et souvent précaires, pour une sécurisation des parcours professionnels, pour un meilleur chômage, pour une réforme de la loi sur les faillites… bref pour une meilleure protection des salariés!

Espérons toutefois qu’avec le nouveau ministre du travail, Marc Spautz, un nouveau vent soufflera sur le Code du travail, permettant de lutter également contre le risque de tomber dans la précarité et la pauvreté.

Enfin, en ce qui concerne la pauvreté chez les personnes âgées, nous ne pouvons tout simplement pas accepter que dans notre société, des gens ne puissent pas survivre avec leur niveau de pension. Au lieu d’augmenter la pension minimale — comme nous le revendiquons et comme la ministre de la Sécurité sociale l’avait pourtant laissé espérer — le gouvernement a décidé de substituer à des pensions décentes une aide sociale! Après une vie de travail, être contraint de devoir faire des démarches pour obtenir une aide sociale est tout simplement inadmissible.

En conclusion, ce plan de lutte contre la pauvreté apparait assez pauvre dans sa substance. Encore un défi face auquel le gouvernement Frieden ne se montre pas à la hauteur. Un gouvernement qui est censé rester en place encore deux ans et demi.

Restons mobilisés, chères, chers collègues! Il est plus que certain que nous nous reverrons dans la rue…

Nora Back, présidente de l’OGBL

L’article a été publié dans l’Aktuell (5/2025)