Le comité Centre/Moselle/Sûre du département des Immigrés de l’OGBL a organisé le 23 mai dernier une table ronde sur les discriminations — un sujet important à l’heure où des forces conservatrices tentent de revenir sur les avancées obtenues ces dernières décennies en matière d’égalité, de diversité et d’inclusion. Et même si le Luxembourg dispose d’un arsenal législatif et d’un cadre juridique pour garantir l’égalité, dans les faits, «l’égalité formelle n’est pas toujours l’égalité réelle», a ainsi commencé par rappeler Sónia Neves, secrétaire centrale du département, dans son mot d’introduction à l’occasion de la table ronde.
David Angel, membre du Bureau exécutif de l’OGBL et modérateur de la table ronde, s’est étonné que l’accord de coalition du gouvernement ne mentionne la lutte contre les discriminations que dans une courte phrase, comme si ce n’était pas d’actualité. En réponse, Ralph Kass, du ministère de l‘Égalité des genres et de la Diversité, a assuré que c’est bien une priorité de l’exécutif, car dans le chapitre consacré à la politique de la Famille il y a des précisions «pour lutter contre le racisme et les discriminations dans l’accueil ou pour les réfugiés». «Il y a des plans d’action nationaux en cours, comme celui sur la pauvreté, le bien-vieillir, l’antiracisme, le plan LGBTIQ+, qui abordent aussi les discriminations». Selon Ralph Kass, le pays serait outillé pour réagir aux discriminations, en rappelant qu’en janvier la Chambre des députés n’a pas approuvé une pétition publique qui demandait à exclure les matières LGBT à l’école. Le parlement et gouvernement ont confirmés que ce sujet est une priorité.
Gilles Boultgen, du CET-Centre pour l‘égalité de traitement, a regretté pour sa part le manque de statistiques relatives aux discriminations au Luxembourg, car peu de victimes portent plainte: «La plupart des cas sont issus du monde du travail et ce sont des discriminations liées à l’origine ethnique ou au handicap du salarié».
Didier Schneider a confirmé que chez LGBTIQ+ Cigale, moins de 5% des victimes portent plainte pour discrimination et minimisent les micro-agressions. «Pour les personnes LGBT, le monde est aujourd’hui très anxiogène, car de plus en plus de personnes se permettent beaucoup plus dans le travail, dans la rue et sur les réseaux sociaux». Au travail, «47% des salariés ne révèlent pas leur orientation sexuelle», a confié Laetitia Charaux (LGBTIQ+ Cigale).
44,5% des résidents se disent discriminés au travail. Le travail, l’accès au logement et l’école sont les lieux où l’on observe le plus de discriminations, si l’on se réfère à l’étude «Racisme et discrimination ethnoraciales au Luxembourg», le premier rapport sur le racisme au Grand-Duché établi par le CEFIS – Centre d’Etude et de Formation Interculturelles et Sociales en 2022. Jessica Lopes (CEFIS) rapporte que «67% des victimes de discriminations ne portent pas plainte, à cause du rapport de force qui existe au travail. La charge de la preuve incombe à la victime et, dans le cas de mini-agressions (allusions, mises à l’écart, commentaires, etc.), la preuve est difficile à apporter». Les lois ne suffisent pas, considère ainsi Jessica Lopes, «ce qu’il faut ce sont des mécanismes qui encouragent les victimes à parler».
La plupart des salariés qui contactent le département des Travailleurs handicapés (DTH) de l’OGBL le font quant à eux après avoir subis des micro-agressions (moqueries, etc). Plus grave, «nombre d’entre eux ne profitent pas des bénéfices de leur statut d’handicapé, car ils le cachent, dans les cas des handicaps invisibles, puisqu’ils disent que cela empêche l’embauche», regrette Joël Delvaux (DTH/OGBL).
Didier Schneider a également expliqué que la pétition qui demandait à exclure les matières LGBT à l’école a impacté les jeunes (17-19 ans) qui assumaient leur identité de genre ou leur orientation sexuelle. «Nombre d’entre eux disent avoir subi des agressions verbales à ce moment-là et découvert que leur pays n’est pas aussi ouvert qu’ils le pensaient». Quant aux plaintes, Didier Schneider a indiqué que les victimes considèrent que cela ne va rien résoudre. Pire, elles témoignent que la police, souvent, ne veut pas accepter la plainte. Et lorsque la plainte est présentée, c’est la justice qui ne sévit pas, en ne condamnant pas les agresseurs.
Gilles Boultgen a regretté l’absence de plaintes. «Sans plaintes, il n’y a pas de statistiques, et l’absence de statistiques laisse à penser que ces problèmes n’existent pas». Il recommande plus de sensibilisation et des formations dans toutes les institutions, chez les juges et la police.
«Beaucoup de victimes témoignent que quand elles sont allées déposer plainte à la police pour des cas de racisme ou de discrimination, l’agent qui les a reçus leur a dit que ça ne mènerait à rien!», a dénoncé Jessica Lopes, pour qui le problème est systémique. De nombreux cas de discriminations se déroulent à l’école. Les élèves se plaignent que le système scolaire les discrimine dans l’orientation scolaire. «Malgré un cadre légal adapté, la lutte contre les discriminations doit se faire au quotidien dans l’accès au logement, à l’école, au travail», a estimé Jessica Lopes. Gilles Boultgen a confirmé que l’Observatoire des discriminations du CET constate que 25% de victimes se disent discriminées par les administrations.
Selon Laetitia Charaux, «même si certaines entreprises mettent en place des politiques d’inclusion, la plupart des RH et délégués à l’égalité ne sont pas formés aux sujets LGBT. Dans la police et les écoles, par exemple, les formations à cette thématique ne sont pas obligatoires». David Angel a précisé que le délégué à l’égalité est celui qui a le moins de moyens et que les entreprises prévoient aujourd’hui un responsable à la protection des données, au harcèlement, mais aucun pour les thèmes LGBT. Les formations à ce sujet devraient être rendues obligatoires dans les entreprises, institutions, écoles. Joël Delvaux a également rapporté que des personnes handicapées qui ont voulu déposer une plainte à la police pour discrimination ont été confrontés à un agent qui n’a pas voulu recevoir leur plainte. Gilles Boultgen a expliqué que les agents doivent en principe enregistrer obligatoirement toutes les plaintes, et c’est que c’est au parquet de décider si elle est recevable ou non. Ralph Kass a assuré que la direction de la police est consciente du problème et qu’ils ont eux-mêmes demandés des formations aux thèmes LGBT, égalité et diversité. Pour Jessica Lopes, former les délégués à toutes les thématiques sociétales est impossible, mais les former pour qu’ils sachent vers qui diriger les victimes est une des solutions.
En conclusion, Gilles Boultgen a informé que le CET devrait avoir en 2026 le droit d’assigner une institution ou un individu en justice pour discrimination, la législation en la matière étant en préparation.
L’article a été publié dans l’Aktuell (3/2025)
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