Conférence des délégués

Ils veulent nos heures pour leurs profits, nous voulons du temps pour nos vies !

Plus de 700 délégués et militants syndicaux étaient réunis le 2 décembre dernier au Parc Hôtel Alvisse à Dommeldange. L’Union des syndicats OGBL-LCGB y organisait une conférence pour informer ses délégués quant aux menaces que fait peser actuellement le patronat sur nos conditions en matière de temps de travail, mais aussi pour présenter ses revendications en la matière.

Lors des réunions de la dite «table ronde sociale» qui ont eu lieu l’été dernier, le patronat (l’Union des entreprises luxembourgeoises) a en effet demandé à mettre l’organisation du temps de travail à l’agenda politique. Les représentants patronaux y ont présenté à cette occasion un véritable catalogue des horreurs: augmentation du temps de travail maximal hebdomadaire, réduction du temps de repos hebdomadaire, mise en question des congés extraordinaires, flexibilisation à outrance… Tout en ne rendant pas public ce cahier de revendications, le patronat compte fortement s’appuyer sur la porte ouverte par le programme gouvernemental de la coalition CSV-DP, pour arriver à ses fins.

«Nous sommes ici aujourd’hui, parce que nous savons qu’ils veulent nous faire travailler davantage, plus longtemps et de façon plus flexible. Nous le savons tout simplement parce que c’est écrit dans le programme de coalition. Nous le savons parce que le patronat avance des revendications complètement radicales et décomplexées. S’ils le pouvaient, ils aboliraient toute forme de pause et de temps de repos. Pour eux, nous ne travaillons pas assez! Pour eux, nous sommes tous par principe des fainéants et nous devrions tous travailler davantage! Ce dont ils rêvent, c’est que nous restions bien sages en retrait, que nous soyons bien productifs pour générer leurs bénéfices et dans l’idéal, que nous travaillions plus: tous les jours, toutes les semaines, toujours davantage, toute notre vie. Et surtout: sans se plaindre et sans s’effondrer, sans devenir malade, parce que tomber malade est selon eux une question de motivation.» C’est ainsi que Nora Back, la présidente de l’OGBL, a planté le décor, en début de conférence, aux côtés du président du LCGB, Patrick Dury.

Des mesures visant à moderniser et à améliorer réellement nos conditions en matière de temps de travail

L’OGBL et le LCGB s’opposent fermement à toute flexibilisation allant à l’encontre des intérêts des salariés et proposent au contraire toute une série de mesures visant à moderniser et à améliorer réellement nos conditions en matière de temps de travail. Une série de mesures qui ont été présentées en détails lors de la conférence par la présidente de l’OGBL et le président du LCGB.

Réduction du temps de travail

Les syndicats demandent ainsi une réduction légale d’au moins 10% du temps de travail, avec maintien intégral de salaire. Cette revendication répond à une attente forte des salariés. Suivant le «Quality of Work Index» de la Chambre des salariés, 83 % des salariés au Luxembourg souhaitent en effet travailler moins d’heures pour mieux pouvoir concilier vie professionnelle et vie privée. Une réduction du temps de travail imposée par la loi qui, pour les syndicats, devra être négociée par la suite dans le cadre de conventions collectives en vue de son implémentation concrète dans les entreprises.

Une 6e semaine de congé légal

L’OGBL et le LCGB revendiquent également l’introduction d’une 6e semaine de congé légal, portant le volume annuel de congés à au moins 30 jours pour tous les salariés. Cette mesure vise à compenser l’absence d’évolution significative en matière de congés depuis 1975. Et tous les salariés doivent bénéficier de cette hausse de 4 jours.

Augmentation du temps de repos hebdomadaire

Les syndicats s’opposent ensuite fermement à toute réduction de la période minimale de repos hebdomadaire. Au contraire, ils proposent de l’augmenter de 44 à 48 heures et demandent une clarification de la définition de la période de repos ininterrompu. «Le repos est un droit fondamental, pas une variable d’ajustement pour les employeurs», a ainsi souligné Nora Back, la présidente de l’OGBL.

Limitation des pauses non rémunérées

Les syndicats souhaitent également limiter la durée des pauses journalières non rémunérées à 2 heures et garantir que toute pause excédant cette durée soit rémunérée. «Les pauses doivent permettre aux salariés de se reposer, pas de subir des pertes de salaire», a notamment souligné Patrick Dury, le président du LCGB.

Droit au temps partiel avec garantie de retour à temps plein

L’OGBL et le LCGB revendiquent par ailleurs un droit au temps partiel avec garantie de retour à temps plein, afin de faciliter la réintégration des salariés, notamment des femmes, par exemple après un congé parental. Cette mesure est essentielle pour l’égalité professionnelle et la conciliation des temps de vie.

Encadrement strict des périodes de référence

Les syndicats s’opposent également à une annualisation du temps de travail, sans négociation préalable et donc en dehors des conventions collectives. Ils proposent au contraire que toute période de référence supérieure à un mois doive être négociée dans le cadre d’une convention collective ou d’un accord interprofessionnel. «La flexibilité ne doit pas rimer avec précarité», a souligné Nora Back.

Clarification des heures supplémentaires

Les syndicats demandent aussi une nouvelle définition des heures supplémentaires, excluant les «circonstances anormales», ainsi qu’une clarification de leur compensation. Les heures supplémentaires doivent en effet rester exceptionnelles et correctement rémunérées.

Limitation stricte des clauses de flexibilité

L’Union des syndicats appelle ensuite à un encadrement plus strict des clauses de flexibilité dans les contrats de travail, afin de protéger les droits des salariés. «La flexibilité ne doit pas être unilatérale et imposée», a indiqué Patrick Dury.

Chômage intempéries et sécurité au travail

Les syndicats proposent également de renforcer le rôle des délégués à la sécurité et de rendre obligatoire l’application du chômage intempéries en cas d’alerte météo rouge. La sécurité des travailleurs doit primer sur les impératifs économiques.

Congés familiaux et égalité parentale

Enfin, les syndicats demandent des améliorations concernant les congés pour raisons familiales et le congé parental, ainsi que la création d’un congés de naissance égalitaire de trois mois pour les deux parents. L’égalité entre les femmes et les hommes passe en effet aussi par une meilleure répartition des responsabilités familiales.

Importance de l’unité entre l’OGBL et le LCGB face aux attaques du gouvernement et du patronat

«Le gouvernement et le patronat veulent nous faire revenir 100 ans en arrière. La modernité, c’est moins travailler, pas plus. C’est avoir un meilleur équilibre entre travail et vie personnelle», ont expliqué la présidente de l’OGBL et le président du LCGB.

«Nous sommes les seuls à représenter les salariés dans ce pays, et personne d’autre», a rappelé, au nom de l’Union des syndicats OGBL-LCGB, Patrick Dury lors de la conférence. «Cela fait deux ans que ce gouvernement est en fonction. Et s’il y a quelque chose que nous avons appris, c’est que s’ils n’ont pas encore fait plus de dégâts, ce n’est que grâce à notre opposition, grâce à notre force», a souligné pour sa part la présidente de l’OGBL, faisant ici explicitement référence à l’opposition conséquente des deux syndicats au cours de l’année écoulée et la mobilisation massive du 28 juin dernier, qui a rassemblé plus de 25 000 personnes dans les rues de Luxembourg contre la politique du gouvernement — sans laquelle la situation actuelle serait assurément toute autre. Les deux présidents ont tout particulièrement insisté dans ce contexte sur l’importance de cette unité entre l’OGBL et le LCGB face aux attaques du gouvernement et du patronat.

Nora Back et Patrick Dury ont également appelé leurs délégués et militants à rester mobilisés et à se préparer à de nouvelles actions.

L’article a été publié dans l’Aktuell (5/2025)