Socfin est un groupe agro-industriel multinational spécialisé dans la culture de palmiers à huile et d’hévéa (caoutchouc) dont le siège se trouve à Luxembourg. L’entreprise est contrôlée par l’homme d’affaire belge Hubert Fabri (54,2 % des parts) et par le français Vincent Bolloré (39 % des parts). Depuis plusieurs années, Socfin poursuit l’expansion de ses plantations dans plusieurs pays d’Afrique et d’Asie. Au total, Socfin contrôle plus de 400 000 ha de terres (soit plus de 154 % du territoire luxembourgeois où il tient tous les ans son Assemblée générale) et ses plantations sont passées de 129 658 ha à 186 767ha ha entre 2009 et 2016, soit une augmentation de plus de 40 %.
Les accaparements de terre de Socfin s’effectuent au détriment des petits paysans et s’accompagnent manifestement de violations des droits des communautés locales, de conflits fonciers, de risques de déforestation, de pollutions, de conditions de travail difficiles, etc. Ces impacts ont été largement documentés dans de nombreux rapports d’ONG et de journalistes.
Face à l’absence de remédiation volontaire de la part des dirigeants de Socfin, les ONG et les communautés locales recherchent toutes les procédures possibles, se tournant y compris vers les tribunaux pour dénoncer les abus observés et vécus (voir liste des procédures ci-contre).
Des voix de plus en plus nombreuses se font entendre au sujet des injustices subies par les femmes autour des plantations. Au Cameroun, les femmes ont publié une note importante contre les entreprises de plantations — dont Socfin — concernant les conditions de travail, les abus sexuels, les dettes impayées, la destruction de leur environnement et le vol de leurs récoltes, qui leur rendent la vie plus difficile. La branche féminine de l’association SYNAPARCAM des villageois entourant plusieurs plantations de Socfin au Cameroun a spécifiquement ciblée la SOCAPALM avec une proposition pour résoudre leurs nombreux problèmes avec la compagnie.
Et les conflits fonciers continuent également de créer des tensions. Au Nigeria, les communautés autour de la plantation d’Okomu tentent de réaffirmer leur souveraineté sur leurs terres qui, selon elles, ont été acquises par Socfin sans leur consentement.
En Sierra Leone, les tensions qui ont éclaté en janvier 2019 dans le district de Pujehun ont entraîné une intense répression contre les communautés, la mort de deux villageois et le déplacement de 1500 personnes, principalement des femmes et des enfants.
Un rapport d’investigation du gouvernement de Sierra Leone, sorti fin mars 2020, met en évidence plusieurs des allégations formulées par les communautés affectées depuis 2011. Elles confirment, entre autres, que «les contrats de location des terres sont illégaux; que les paiements de loyer et autres compensations étaient soit inadéquats soit versés aux mauvaises personnes; que les parcelles de terre n’ont pas été correctement arpentées et délimitées; que les zones tampons entre les communautés et les plantations de Socfin n’ont pas été respectées et que cela a porté atteinte à la capacité des communautés à vivre dans la dignité; que la conduite du chef coutumier (Paramount Chief) était inappropriée et potentiellement illégale; que les projets de développement de Socfin dans les communautés étaient inadéquats; et qu’il existe de graves problèmes de pollution liés aux activités de la société».
Face à ces pratiques, des ONG et certains médias tentent de rendre compte de la situation et de relayer les revendications des communautés locales, et font alors souvent face à des poursuites engagées par Socfin.
En décembre 2019, pour la première fois au Luxembourg, une action pour diffamation et atteinte à la vie privée était intentée contre une ONG, membre de l’Initiative pour un devoir de vigilance, en l’occurrence SOS Faim: Socfin lui reprochant, comme à d’autres ONG belges, la publication de communiqués dénonçant les violations de droits humains.
Alors que nous mettions sous presse, le procès n’avait pas eu lieu mais les membres de l’Initiative pour un devoir de vigilance condamnent unanimement ce genre de pratiques, assimilables à des «poursuites bâillons».
Depuis 2009, plus d’une vingtaine de procédures en diffamation ont ainsi été lancées par le groupe Bolloré ou sa filiale Socfin en France et à l’étranger contre des articles, des reportages audiovisuels, des rapports d’organisations non gouvernementales, ainsi que contre un livre qui en fait état.
Au cours des dernières années, l’Initiative pour un devoir de vigilance a fait la preuve que le cas de Socfin n’est pas un cas isolé. Il devient plus qu’urgent d’adopter une loi sur le devoir de vigilance afin de mettre fin aux atteintes contre les droits humains et l’environnement par des acteurs économiques domiciliés au Luxembourg tout au long de leur chaîne de valeur. La vie de centaines de milliers de personnes en dépend.
Procédures engagées
27 mai 2019
Dix ONG et syndicats assignaient en justice l’entreprise Bolloré pour forcer la mise en œuvre du plan d’action convenu dans le cadre de la médiation gérée par l’OCDE.
Le même jour, une plainte a été engagée contre Socfin à la Banque mondiale, au sujet d’une série de problèmes causés par la Salala Rubber Corporation au Liberia, soutenue par un prêt de 10 millions de dollars de la Société Financière Internationale.
Octobre 2019
Une audition a eu lieu à Nanterre avec 12 représentants autochtones Bunong, venus du Cambodge pour défendre leur cause contre le groupe Bolloré: ils demandent la restitution de leurs terres occupées par Socfin-KCD. Des paysans camerounais se sont joints à leur démarche.
En octobre également, une plainte a été déposée par des groupes de la société civile auprès du Point de Contact néerlandais de l’OCDE contre la banque néerlandaise ING pour son absence d’action effective contre les abus commis dans les plantations gérées par son client Socfin, au Cameroun et en Sierra Leone.
Fin 2019
Socfin a également intenté un procès en diffamation contre Green Scenery en Sierra Leone, à la suite duquel un juge local a ordonné aux deux parties de s’abstenir de tout commentaire public sur l’autre. Ceci malgré le fait qu’un comité interministériel du gouvernement de la Sierra Leone a préparé un rapport déclarant que les concessions ont été acquises sans application correcte de la loi, et invitant Socfin et les communautés à les renégocier.
29 avril 2020
La RTBF a dévoilé les résultats de son investigation indépendante qui a confirmé les dénonciations de centaines de milliers de citoyens africains et asiatiques affectés. Les révélations de la RTBF viennent à nouveau confirmer le sérieux du travail de la société civile et l’importance de continuer à soutenir les communautés affectées.