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Taxe sur le CO2 et principe pollueur-payeur

eolienne

Un point de vue plus nuancé est permis

Les émissions de gaz à effet de serre nuisibles pour le climat doivent être réduites d’au moins 55% d’ici 2030. Pour 2050, les émissions nettes devront être ramenées à zéro. L’OGBL est favorable à ces objectifs qui s’inscrivent dans la lignée de l’accord de Paris sur le climat. L’OGBL soutient également nombre des mesures visées par le gouvernement pour atteindre ces objectifs.

Mais il en existe aussi qui nécessitent une analyse critique parce qu’elles ne sont pas nécessairement pertinentes ou que leur efficacité est surévaluée et qu’elles remettent en question le principe de justice sociale dans le cadre de la transition écologique.

C’est ainsi que l’introduction en 2021 de la taxe sur le CO2 annoncée par le gouvernement, qui concerne le fioul, le gaz naturel, le diesel et l’essence, pose toute une série de questions. Est-ce que la taxe sur le CO2 entraînera bien ce que ses partisans annoncent, à savoir une réduction des émissions de gaz à effet de serre? Ou est-ce que la taxe sur le CO2 n’est rien d’autre qu‘un impôt de plus qui, compte tenu de sa popularité actuelle, rencontre une opposition politique relativement faible? Quelles seront les conséquences de la taxe sur le CO2 pour les différentes couches de la population? Ne va-t-elle pas au contraire renforcer les inégalités fiscales qui existent déjà? Et enfin, la taxe sur le CO2 ne va-t-elle pas avant tout répercuter le principe pollueur-payeur, critiquable à bien des égards, sur les individus, sans conséquences financières, idéologiques et politiques pour les véritables responsables, à savoir les groupes et les détenteurs de capitaux dans le secteur de l’énergie fossile et des industries connexes?

Naturellement, cet article ne peut aborder en profondeur chacune des questions soulevées. Il vise avant tout à enrichir le débat actuel sur la taxe sur le CO2.

Plus de 50 pays ont déjà introduit différentes variantes de cet impôt. L’hypothèse centrale, c’est qu’en réglementant le prix du marché du CO2, producteurs comme consommateurs adoptent un comportement plus respectueux de l’environnement. Autrement dit: frapper au portefeuille pour faire changer les choses. L’idée peut sembler simple, mais elle ne l’est pas.

Les analyses de l’OCDE n’identifient aucun lien de cause à effet entre les taxes sur le CO2 et la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Certaines montrent que d’autres facteurs, notamment la désindustrialisation, les innovations techniques sans lien avec le prix du CO2 ou encore les cycles de crises économiques, exercent une influence plus importante sur l’évolution des émissions. Et la comparaison entre pays avec et sans taxe sur le CO2 ne livre aucun résultat probant.

Ce qui est problématique, c’est l’argument avancé pour introduire la taxe sur le CO2, à savoir l’application du principe pollueur-payeur. Les principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre sont les multinationales actives dans la production industrielle et d’énergies fossiles. Celles-ci actionnent tous les leviers idéologiques, politiques et économiques à leur disposition afin de bloquer ou de reporter le plus longtemps possible la sortie de l’extraction et de la production d’énergies fossiles. Et leurs lobbyistes présents par milliers à Bruxelles et à travers le monde agissent pour protéger dans toute la mesure du possible le profit capitalistique de ces groupes des taxes sur le CO2 et autres mesures fiscales. Non sans succès d‘ailleurs, comme en témoignent les nombreux problèmes que pose l’organisation des échanges internationaux de droits d’émission.

Dans ce contexte, il ne saurait être question d‘une application socialement juste du principe pollueur-payeur. Et ce fait relativise à plusieurs égards l‘argument principal en faveur de l’introduction de la taxe sur le CO2.

La pression sur le portefeuille devrait surtout toucher le consommateur final. D’un point de vue idéologique, l‘imposition du consommateur masque les véritables responsabilités en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Ce sont les consommateurs individuels qui paient la facture, qui est ainsi, en quelque sorte «privatisée». La taxe sur le CO2, aussi populaire puisse-t-elle sembler, dépasse le soi-disant libre arbitre des participants au marché et néglige de manière flagrante le fait que ceux-ci n’ont pas, pas encore ou pas suffisamment d’alternatives leur permettant d’adopter un comportement «plus respectueux de l’environnement».
Sur le plan de la politique fiscale, la taxe sur le CO2 prélevée sur le consommateur crée de nouvelles inégalités. Entre l‘imposition des sociétés susmentionnées et le citoyen, d’une part, et entre les différentes catégories de revenus, d’autre part.

La taxe sur le CO2 proposée par le gouvernement présente toutes les qualités d’un impôt indirect. Les impôts indirects sont régressifs car ils favorisent les ménages à hauts revenus par rapport aux autres couches de la population.

Citons le STATEC: «La part du revenu disponible que les ménages destinent à l’achat de carburants est 2,3 fois plus importante pour les 20% des ménages les moins aisés que pour les 20% des ménages les plus aisés». Parce que cet impact régressif est glissant, la classe moyenne est également concernée, bien que dans une moindre mesure.
À cet égard, on peut lire dans le projet de loi «climat» du gouvernement ce qui suit: «Toute mesure de politique de protection climatique est évaluée quant à son impact sur l’équité sociale, et le cas échéant, complétée par un mécanisme de redistribution financière calculée en fonction de la situation sociale des personnes concernées.» Le principe de «justice climatique» en vertu duquel la politique de protection climatique doit réduire ou limiter les inégalités existantes ou nouvelles créées par le réchauffement climatique doit également être pris en compte.

Est-ce que ces principes seront mis en œuvre par le gouvernement dans le cadre de la taxe sur le CO2 ?
Dans l’accord de coalition, le gouvernement s’est engagé à ne pas toucher au mécanisme de l‘indexation. Or, la prise en compte de la taxe sur le CO2 dans le panier de l’index ne suffira pas. Annoncée par le gouvernement, la redistribution d’une partie des recettes aux «bas revenus» en guise de compensation sociale est vague. L’OGBL demande pour les bas revenus et la classe moyenne la mise en place d‘un mécanisme de répartition qui compenserait l’effet régressif susmentionné. Dans le domaine des transports, l’OGBL propose d’introduire un crédit d’impôt (cf. article « Pour un crédit d’impôt «mobilité» »).

Et qu’en est-il de la compensation sociale de la partie de la taxe sur le CO2 qui renchérira le fioul et le gaz naturel?
L’explosion des coûts dans le domaine du logement grignote de plus en plus le pouvoir d’achat des bas revenus et de la classe moyenne. Les bas revenus, qui n’ont pas le «libre choix» de chauffer et d’isoler leur logement de manière plus respectueuse de l’environnement, sont les plus touchés. En tant que locataires, ils n’ont aucun pouvoir de décision sur les investissements ou, s‘ils sont propriétaires de leur logement, ils n’ont généralement pas les moyens d’effectuer des investissements respectueux de l’environnement et efficaces sur le plan énergétique. Jusqu’à présent, le gouvernement n’apporte pas de réponse satisfaisante à cette problématique qui ne fera que s’aggraver avec l’introduction de la taxe sur le CO2.

 

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