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Propositions de l’OGBL

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Une augmentation de l’offre à elle seule ne résout rien, au contraire

Pour les organisations patronales, la chambre immobilière et les promoteurs la réponse à la crise manifeste du logement au Luxembourg est toute simple: il suffirait d’augmenter l’offre et par la magie du jeu de l’offre et de la demande, la main invisible du marché ferait en sorte que les prix baisseront et que le logement deviendrait abordable pour tout le monde ou presque.

Si l’OGBL ne met en question qu’il faut une augmentation de l’offre de logements abordables et de bonne qualité pour tenir compte de l’accroissement de la population et partant de la demande, il se doit toutefois de souligner que dans le cadre actuel, l’augmentation de l’offre à elle seule ne résoudra rien sur le front des prix, au contraire. En absence de mesures effectives contre la spéculation, elle mènera au contraire à une nouvelle vague de spéculations et de rétention de terrains, qui ne feront qu’alimenter encore davantage la spirale des prix. Le marché du logement n’est pas un marché typique, où peut s’appliquer le libre jeu de la concurrence. Le nombre de terrains est par la nature des choses forcément limité.

Si par exemple l’Etat déciderait d’étendre les périmètres d’agglomération en transformant p.ex. des terrains agricoles en terrains constructibles, cela aura à l’heure actuelle, l’effet d’attirer les acteurs décrits dans les chapitres précédents, qui seront heureux de se jeter sur les nouveaux terrains – objets de spéculation – disponibles. Ils n’auront pas forcément intérêt à construire immédiatement, bien au contraire. Ils achèteront les nouveaux terrains à des prix relativement bas et les retiendront en spéculant sur une poursuite de l’accroissement illimité des prix de terrains, en calculant sur une rendite plus élevée à l’avenir par rapport à mettre sur le marché des logements relativement abordables dans un bref laps de temps. Nous connaissons les conséquences que de telles bulles spéculatives ont pu avoir à l’étranger.

Une intervention volontariste de l’Etat est donc nécessaire. Et elle est nécessaire maintenant. Nous allons développer dans les paragraphes qui suivent les propositions de l’OGBL pour mettre un terme à la spéculation et pour rendre le logement de nouveau abordable au Luxembourg, afin de garantir le droit de tous à l’accès à un logement de bonne qualité.

Réformer l’impôt foncier en le rendant progressif

A l’heure actuelle, l’impôt foncier (IFON) est perçu par les communes au titre d’impôt communal. Il est réglé par la loi modifiée du 1er décembre 1936 sur l’impôt foncier et est levé sur toutes les propriétés bâties et non bâties, appartenant aussi bien à des personnes physiques qu’à des personnes morales sur territoire national.

L’IFON couvre toute propriété, indépendamment de son utilisation, des sources de financement utilisées pour l’acquérir (prêt ou fonds propres) ou de la situation personnelle du contribuable (revenu et fortune). De ce fait, l’impôt foncier ne correspond pas à des principes évidents d’équité fiscale.

Le calcul de l’impôt foncier peut varier fortement d’une commune à l’autre, les communes étant souveraines à fixer leur taux communal dans le respect de l’autonomie communale. Ce taux est défini annuellement par chaque commune individuellement. Une base d’assiette commune est toutefois établie par l’Administration des contributions directes. Elle repose sur une valeur unitaire, attribuée à chaque propriété suivant un relevé des biens établi au… 1er janvier 1941 par l’occupant nazi! Ces valeurs sont indexées et exprimées en euros. Toute nouvelle construction est évaluée selon le revenu de location qu’elle aurait rapporté au 1er janvier 1941.

Comme l’IFON n’a plus été adapté depuis des décennies, il est très faible en comparaison avec les pays voisins et par rapport au PIB luxembourgeois (0,1%) et ne représente que 1,5% des recettes des communes, alors qu’en 1970 ce taux s’élevait encore à 5,5%. En moyenne, un ménage propriétaire paye une vingtaine d’euros d’impôt foncier par an.

Depuis des années, des discussions sont en cours pour réformer l’IFON, qui a été dépassé depuis longtemps par les réalités économiques. D’ailleurs, l’OCDE, le FMI, la Commission européenne ont tous faits des recommandations dans ce sens. Le gouvernement luxembourgeois a lui-même annoncé dans son programme de gouvernement vouloir aborder une telle réforme.

La question se pose toutefois quel est l’objectif de l’IFON? Est-ce un instrument qui sert à l’aménagement du territoire en encourageant ou dissuadant de construire dans certaines parties du pays ou bien sert-il à l’accroissement de la contribution aux recettes communales? Ou est-ce qu’il pourrait être mis au service du développement de plus de justice fiscale, afin de renforcer la cohésion sociale et contribuer à garantir l’accès au logement pour tous?

L’OGBL se prononce clairement pour le 3e objectif. La réforme de L’IFON à venir doit viser à le transformer en un instrument qui contribue à endiguer et à combattre la spéculation foncière.

Dans le cadre d’une réforme future, il y a cependant lieu d’éviter de pénaliser le contribuable propriétaire d’un logement servant d’habitation personnelle principale. Ainsi, il faudrait pour ce contribuable maintenir le montant actuel de l’impôt foncier, voire réfléchir sur une exonération complète de l’habitation personnelle principale. La réforme viserait donc, d’une part, les contribuables propriétaires d’immeubles loués à des tiers et d’immeubles servant à une exploitation commerciale ou une profession libérale, pour lesquels l’impôt foncier constitue toujours une dépense déductible ou une charge d’exploitation.

D’autre part, un impôt foncier plus élevé sur des résidences secondaires, des terrains et des bâtiments inoccupés pourrait, à côté de l’effet bénéfique sur les finances publiques, avoir également un effet dissuasif sur la spéculation immobilière. Dans cette même optique, les réflexions à mener devraient aussi inclure l’introduction d’un élément de progressivité au niveau de l’impôt foncier par rapport à des propriétés multiples d’immeubles ou de terrains – càd le taux appliqué augmenterait avec le nombre de logement et de terrain et la superficie qu’une personne physique ou une personne morale possède, notamment pour prendre en compte les propriétés multiples (p.ex.: des dizaines de terrains dans une seule main).

Toutefois, il est à craindre que l’impôt foncier seul ne pourra pas suffire pour mettre un terme avec la spéculation avec l’immobilier au Luxembourg; plusieurs leviers devraient être mobilisés en même temps.

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Pour une taxe nationale sur la rétention des terrains

Un élément central contribuant à la spirale des prix dans l’immobilier est certainement l’évolution des prix des terrains. La spéculation sur le fait que ces prix continueront à augmenter dans les années à venir, incite des propriétaires à accumuler des terrains sans entamer des projets de construction dans le futur immédiat, contribuant ainsi à rétrécir artificiellement l’offre sur le marché de l’immobilier.

Pour combattre cette tendance, le législateur a introduit la possibilité aux communes d’introduire une taxe spécifique sur les immeubles bâtis inoccupés et les terrains à bâtir non affectés. Seuls cinq communes ont à l’heure actuelle adoptée un règlement qui prévoit une telle taxe. Il s’agit des communes de Beckerich, Diekirch, Esch-sur-Alzette, Esch-sur-Sûre et Redange-sur-Attert.


Seules cinq communes prévoient une telle taxe.


Il n’y a donc que relativement peu de communes qui utilisent cette possibilité à l’heure actuelle. Par ailleurs, les taxes existantes prévoient de nombreuses exonérations d’office et ne sont en réalité que rarement appliquées. Aux yeux de l’OGBL, elles ne remplissent donc pas pleinement leur objectif. L’OGBL demande par conséquent au législateur d’intervenir et de prévoir une taxe nationale sur la rétention des terrains, qui serait obligatoire et couvrirait l’ensemble du territoire.

Plafonner les prix des terrains

A côté de la réforme de l’IFON et de la taxe nationale sur la rétention des terrains, l’OGBL est d’avis qu’il faut également agir sur les prix des terrains à bâtir mêmes pour contrecarrer les défaillances du marché.

Ainsi il propose que l’Etat plafonne le prix des terrains par are et par région, à l’image du plafonnement du revenu de location.

Une telle mesure ne servirait pas seulement l’intérêt général, elle devrait également être parfaitement conforme à la législation en matière de concurrence, qui prévoit que l’Etat peut prévoir une exception au libre jeu de la concurrence, à savoir « lorsque la concurrence par les prix est insuffisante dans des secteurs déterminés en raison, soit de la structure du marché, soit d’une impossibilité pour la clientèle de bénéficier des avantages du marché, soit de dispositions législatives, des règlements grand-ducaux peuvent fixer les prix ou les marges applicables aux biens, produits ou services concernés  » (loi du 23 octobre 2011).

Au vu de la concentration des terrains constructibles décrite ci-dessus et par analogie au droit de la concurrence (clauses anti-cartel), on pourrait même se demander s’il ne faudrait pas prévoir un plafonnement par rapport au nombre et à la superficie de terrains qui peuvent être achetés par un seul acteur (personne physique ou société).

L’OGBL demande au gouvernement d’analyser si une telle mesure serait conforme à la législation européenne et à la Constitution luxembourgeoise, et d’agir en conséquence.

Plafonnement effectif des loyers

dossier_logement_propositions2Contrairement aux prix des terrains, les loyers ont été effectivement plafonnés par le législateur (loi modifiée du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d’habitation) sur une base de 5% du montant investi, que le loyer ne doit pas dépasser. En réalité, cette mesure n’a guère endigué l’augmentation des loyers.

Face à une diminution des taux d’intérêt et une forte augmentation des prix immobiliers, ce plafond a en effet largement perdu de son efficacité, ce plafond a en pratique largement perdu en efficacité. Il y a donc lieu de discuter d’une baisse de ce plafond. Un autre problème concerne la transparence pour le locataire et les moyens à dispositions des commissions de loyer pour contrôler effectivement le respect du plafond. Comme pour les commerces, les contrats de bail à usage d’habitation devraient être déposés à l’enregistrement. Aucun contrôle n’est prévu si les chiffres indiqués dans les déclarations d’impôts sur le revenu locatif respectent le plafond à prévoir.

Il y a donc lieu de réformer la loi sur le bail à l’usage d’habitation en augmentant les possibilités de contrôle pour les commissions de loyer des communes, pour garantir plus de transparence pour le locataire et pour simplifier la procédure visant une réduction de loyers, qui tend actuellement vu sa complexité à décourager les locataires de faire valoir leurs droits.

Réforme de la subvention de loyer

Le gouvernement a récemment amendé la législation sur la subvention du loyer dans le sens d’élargir le cercle des bénéficiaires potentiels de la subvention, qui – il est vrai – était très peu demandé au départ. L’OGBL a salué cet élargissement, mais estime qu’il y a un certain nombre d’éléments à prévoir dans le cadre d’une réforme plus globale, afin de rendre cette subvention plus efficace.

En premier lieu, le plafond de la subvention reste insuffisant pour les bénéficiaires potentiels et doit être augmenté. Il y a lieu par ailleurs de prévoir une adaptation régulière et automatique du plafond à l’évolution des loyers sur le marché locatif, afin d’éviter que la subvention perde graduellement en valeur. La même chose doit être prévue pour le loyer de référence utilisé.

Il faut en outre neutraliser la subvention par rapport à des augmentations futures du SSM et du REVIS.

Dans certains cas de figure, si l’augmentation du SSM brut entraînerait une baisse de la subvention de loyer, voire le fait de n’y plus avoir droit, ce qui entraînerait en fin de compte une baisse du revenu net à la disposition du concerné. Il faut éviter cela.
Puis il faut se poser la question si le principe du loyer de référence unique doit être maintenu ou s’il y a lieu de prévoir des loyers de référence différenciés au niveau local et régional, comme c’est le cas dans nos pays voisins.

Enfin, il faut prévoir des contrôles afin d’éviter que le propriétaire augmenterait de façon injustifiée le loyer du locataire bénéficiaire, anéantissant de la manière la subvention accordée et son effet social. Il faut dans ce cas informer le bénéficiaire des moyens à sa disposition pour agir contre une telle augmentation (commissions de loyers).

Renforcer les aides en faveur de l’efficacité énergétique

Afin de favoriser la transition écologique vers une économie pauvre en carbone, il y a lieu de renforcer les aides disponibles permettant aux propriétaires, même à faible ou moyen revenu, de prévoir des mesures d’assainissement énergétique des logements.

Comme il faut éviter que ces aides se traduisent par une subvention aux catégories les plus aisées de la population, qui ont les moyens de financer de telles mesures, il y a lieu de prévoir que ces aides soient organisées de façon dégressive en fonction du revenu du concerné (càd le montant diminue en fonction inverse du niveau de revenu déclaré).

Afin de neutraliser des augmentations de loyer pour le locataire suite à des assainissements énergétiques effectués par le propriétaire, l’OGBL demande par ailleurs l’introduction d’une « allocation loyer énergie  » (Klimawohngeld).

Enfin, afin d’éviter aux ménages le préfinancement intégral des mesures d’assainissement, ce qui de nouveau risque de limiter la possibilité d’effectuer de telles mesures aux couches plus aisées de la population, l’OGBL demande la prise en charge directe du paiement des factures jusqu’à concurrence des aides allouées.

Augmentation considérable de l’offre des logements sociaux

Le taux de logements sociaux locatifs au Luxembourg est très faible en comparaison internationale (voir graphique ci-dessous). D’après l’Union sociale pour l’habitat, le Luxembourg aurait une proportion de 5,1% de logements sociaux. D’autres sources donnent une proportion encore largement inférieure. Ainsi, selon l’OCDE, le Luxembourg se situerait avec 1,6 % de logements sociaux locatifs parmi les derniers au classement des pays recensés (en comparaison: Pays-Bas 34,1%, France 18,7%, Allemagne 3,9%.

L’offre en logements sociaux est donc largement insuffisante et reste bien en-dessous de la proportion de la population qui est exposée à un risque de pauvreté (ménages dont le revenu disponible équivalent est inférieur à 60% de la médiane).

Afin de lutter plus efficacement contre la pauvreté, l’OGBL revendique l’instauration d’un quota de logements sociaux subventionnés répartis uniformément sur toutes les communes du pays, et qui s’orienterait au seuil du taux de risque de pauvreté. Dans ce cadre, l’OGBL propose de favoriser le logement social locatif par rapport au logement social en propriété.

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Le Fonds de compensation doit investir davantage dans le logement locatif à prix modéré

L’OGBL estime qu’il est dans l’intérêt des assurés que le Fonds de compensation du régime de pension (FDC) soit davantage responsabilisé socialement. La réserve qui approche actuellement les 20 milliards d’euros pourrait être intelligemment utilisée en vue de contribuer à financer les investissements dans les infrastructures locales, pour préparer le développement économique de demain, faire face aux nouveaux défis (digitalisation, transition écologique…), mais aussi rendre la situation sociale et économique locale plus soutenable.

Un des terrains où une telle approche sociale ferait à l’heure actuelle sont certainement le problème du logement abordable et de bonne qualité sur le territoire national.

Au 31 décembre 2017, seul 0,22% de la réserve totale (4,51% du patrimoine du FDC) était affecté à des baux d’habitation privés. Il y a lieu de relever fortement ce taux et de mobiliser une partie du FDC pour investir dans le logement locatif à prix modéré, pour lequel un rendement garanti de 2,5% serait proposé.

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