• Home
  •  | 
  • Interview avec le professeur Helmut Willems et le sociologue Andreas Heinen

Interview avec le professeur Helmut Willems et le sociologue Andreas Heinen

Quels sont les défis et les perspectives pour les jeunes générations du Luxembourg?

Helmut Willems

A l’occasion d’une conférence portant sur les problèmes et les perspectives des jeunes organisée par le Département des Jeunes de l’OGBL à l’Exit07 (Carré Rotondes) le 4 juin passé, nous nous sommes entretenus avec les orateurs, le professeur Helmut Willems et son assistant Andreas Heinen. Les deux sociologues de l’Université du Luxembourg sont très actifs en matière de recherche sur la jeunesse et ont notamment contribué au premier grand rapport national sur la jeunesse (2010).

Aktuell:  Que retenez-vous de notre conférence sur la jeunesse?

L’événement a connu un large écho. La discussion avec les participants a montré qu’au Luxembourg les personnes qui réfléchissent sur la situation des jeunes sont nombreuses.  Ce qui nous a le plus frappé c’est que les participants sont très conscients du fait que la jeune génération se voit confrontée de nos jours à une plus grande insécurité en ce qui concerne son avenir professionnel.

Aktuell: La jeunesse en soi n’existe pas.  Mais comment décririez-vous les jeunes gens d’aujourd’hui ?

Les jeunes gens ont aujourd’hui plus d’options au cours de leur adolescence. Par rapport aux générations précédentes, ils peuvent faire leur choix de vie de façon bien plus autonome. Ceci tout aussi bien  en ce qui concerne leur itinéraire professionnel  que  leur vie privée.  L’origine sociale, le milieu familial donc, continue à influencer fortement leur départ dans la vie.

Aktuell: Début juin l’institut national de la statistique Statec a informé que l’immigration battait tous les records. Le nombre d’immigrés a fortement augmenté l’année passée. Est-ce que cette évolution influence le «grandir au Luxembourg»?

Les jeunes au Luxembourg rencontrent de plus en plus souvent des jeunes du même âge d’origine étrangère. D’un côté, cela constitue un enrichissement énorme engendrant de multiples chances dans le domaine de l’évolution des compétences linguistiques ou bien interculturelles. D’un autre côté, cette situation pose une série de défis. Il existe par exemple de nombreux déficits concernant la participation sociale et politique des immigrés.

Aktuell: Prenons par exemple le défi de l’éducation et de la formation: tous les enfants et adolescents ont-ils dans ce domaine les mêmes chances au Luxembourg?

Les études y relatives démontrent que les chances dans ce domaine sont inégalement réparties. Les jeunes issus de milieux sociaux défavorisés de même que certains groupes d’immigrés s’en sortent nettement moins bien que d’autres groupes. Une évolution intéressante est à relever: les filles réussissent aujourd’hui très bien dans le système scolaire. Souvent elles vont plus loin dans leurs études que les garçons et les arrêtent moins fréquemment en cours de route. Cela avait longtemps été le contraire.

Aktuell: On dit souvent que la transition dans le monde du travail pour les nouvelles générations ne se fait plus si facilement que pour les précédentes. Comment qualifiez-vous aujourd’hui cette transition?

Depuis quelques années déjà, nous constatons qu’au Luxembourg  les jeunes sont confrontés à davantage de difficultés lors de la transition vers la vie professionnelle. La forte augmentation du chômage les dix dernières années en est la preuve. Aujourd’hui le taux de chômage des jeunes se situe à environ 15%. Dans un pays avec un taux de chômage globalement assez faible, ces 15% représentent un taux assez élevé. Ce sont surtout les jeunes non diplômés ou mal formés qui souffrent du chômage. Malheureusement dans la situation actuelle,  même les études supérieures ne constituent pas de garantie pour l’accès à l’emploi; un nombre croissant de jeunes détenteurs d’un bac ou de diplômes universitaires rencontre de nos jours des difficultés pour trouver un emploi. En même temps, le nombre d’emplois précaires pour débuter dans la vie professionnelle  – en font partie également les contrats à durée déterminée et les emplois à bas salaire – a considérablement augmenté. Toutes ces évolutions mènent à des insécurités élevées chez les jeunes et rendent souvent impossible toute planification de la vie privée (mariage, enfants …).

Aktuell: Un désintérêt croissant pour la politique et une distance des jeunes vis-à-vis de la politique traditionnelle se font remarquer. Toutefois il est vrai que de nombreux jeunes sont intéressés par des formes peu conventionnelles de participation. Comment expliquez-vous cette évolution?

Andreas Heinen

Nos recherches ont montré que seule une minorité de jeunes s’intéresse à la politique traditionnelle et s’engage dans les partis. Les raisons en peuvent être multiples. Entre autres la déception par la politique ou les politiciens ou même une conception erronée de la démocratie. Cependant, les jeunes ne sont pas indifférents aux problèmes sociopolitiques. Leur approche et leur façon de s’engager ont changé. Les jeunes préfèrent aujourd’hui s’engager sporadiquement ou temporairement ou par exemple par le biais d’internet et des réseaux sociaux. Cela répond mieux à leur besoin de l’immédiat et d’actions concrètes et ciblées.

 

Aktuell: Dernière question: Quelles sont les perspectives qui s’ouvrent aux jeunes au Grand-Duché et quels sont les défis à relever par eux?

Questionnés sur leur vue propre concernant leurs perspectives d’avenir, les jeunes Luxembourgeois se montrent en majeure partie optimistes. Le terme de „lost generation“ (génération perdue), employé pour qualifier la jeune génération dans certains pays européens, n’est certainement pas de mise pour la jeunesse luxembourgeoise. Cependant, nous voyons trois importants défis pour l’avenir: la mise en œuvre de l’égalité des chances dans le système scolaire, l’intégration des immigré-e-s et, enfin, le soutien des jeunes lors de la transition vers la vie professionnelle.

Aktuell: Nous vous remercions d’avoir répondu à nos questions.

Les commentaires sont fermés.