XIIIe Congrès de la CES

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Introduction

C’est sous le thème « Une société juste, des emplois de qualité et les droits des travailleurs que la Confédération Européenne des Syndicats (CES) a inscrit son XIIIe Congrès. Celui-ci s’est tenu du 29 septembre au 2 octobre 2015 à la Maison Mutualité à Paris, lieu historique du mouvement ouvrier français. Il a réuni 500 délégués issus de 90 organisations syndicales de 39 pays composant la CES (1 400 participants dont 500 délégués votants).

Aperçu des temps forts de ce XIIIe Congrès.

Discours d’ouverture du congrès

Le XIIIe Congrès de la CES s’est ouvert avec l’intervention de nombreuses personnalités politiques. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, du Parlement européen, Martin Schulz, et le président français François Hollande, ont ainsi pris la parole. Ils ont été accueillis au nom des syndicats français par Jean-Claude Mailly (FO) ainsi que par Anne Hidalgo, la maire de Paris.

Tous ont insisté sur l’importance des droits sociaux et sur la nécessité de renforcer le dialogue social à l’échelle européenne. Jean-Claude Juncker a rappelé son intention de présenter d’ici le printemps 2016 un « socle de protection minimale – qui ne serait pas un socle de droits minimaux – mais un plafond de droits sociaux qu’on ne peut corriger par le bas ». Pour sa part, François Hollande a plaidé pour que la prochaine étape de la construction européenne soit une convergence « en matière sociale et en matière de travail », appelant à une coordination des politiques sociales au côté de celle des politiques économiques. Il a dans ce cadre annoncé que les gouvernements français et allemand ont commencé à travailler sur les contours d’un « Eurogroupe social comme il existe un Eurogroupe monétaire et économique ». En matière de dumping social, afin de lutter contre les détachements abusifs, François Hollande a demandé l’introduction d’un « mécanisme de solidarité » qui soit élargi à toute la chaîne de sous-traitance, dans l’ensemble des secteurs économiques, et a appelé l’Europe à s‘emparer de ce sujet dans le cadre de la directive sur le détachement des travailleurs.

Le président du Parlement européen, Martin Schulz, a pour sa part accordé une grande importance à la révolution numérique, qui « transforme notre société aussi profondément que l’a fait la révolution industrielle au XIXe siècle ». Or les conséquences de la numérisation sur le droit du travail, dont l’émergence de nouvelles formes de dumping social, n’ont pas encore été assez abordées d’après lui. Il en appelle ainsi au mouvement syndical afin de lutter ensemble pour « garantir un travail de qualité et un juste salaire à l’ère numérique ». Il demande également la mise en place d’une « Charte des droits fondamentaux numériques » qui garantirait également une juste rémunération du travail».

La CES entend prendre au mot les dirigeants européens.

Les congressistes présents attendent eux de voir comment ces paroles vont se concrétiser. « Nous saluons l’engagement de M. Junker d’un pilier de droits sociaux. Nous l’attendons avec impatience, parce que les mots ne suffisent pas, il faut que les choses se mettent en place concrètement », a notamment déclaré Bernadette Ségol, secrétaire générale sortante de la CES.

Adoption des motions d’urgence

ces_congres_voteHuit motions d’urgence ont été débattues et adoptées lors de ce Congrès, couvrant des sujets aussi importants que la crise des réfugiés, la solidarité avec les travailleurs grecs, la décision du gouvernement britannique d’organiser un référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne ou encore la remise en cause des droits fondamentaux en Espagne, en particulier le droit de grève.

La « crise des réfugiés en Europe»

L’adoption d’une motion d’urgence sur « la crise des réfugiés » été marquée par deux témoignages particulièrement poignants. Aida Hadzialic, ministre suédoise de l’enseignement secondaire, de l’éducation des adultes et de la formation, qui a fait partie des 82 000 réfugiés, en Suède, en 1992 lors du conflit en Bosnie (ex Yougoslavie) et de Oumar Diakhaby guinéen, demandeur d’asile en Belgique en 1999 – obtenu en 2008 – militant du Comité des travailleurs sans papiers de la Confédération des Syndicats Chrétiens (CSC), de Belgique.

La résolution d’urgence appelle à bannir les obstacles et les clôtures récemment érigées qui se « sont révélés inefficaces et ont pour seul effet de dévier les flux migratoires d’un pays vers un autre et de faire le jeu des passeurs ». Elle rappelle que « les politiques d’austérité n’ont fait qu’aggraver les problèmes », rendant les conditions d’accueil « encore plus difficiles dans les pays où les réfugiés arrivent d’abord ». La CES salue les décisions du Conseil européen adoptées le 22 septembre, estimant que la « répartition de 160 000 réfugiés peut apporter un soulagement immédiat aux pays les premiers touchés par les flux énormes de personnes cherchant protection ». Elle considère toutefois ces mesures insuffisantes et insiste sur la nécessité de rétablir des services publics adéquats pour garantir l’accès au logement, à l’Education, à la Santé et à la protection sociale.

Avenir de la CES : renouvellement de l’équipe, adoption du manifeste et du plan d’action pour les quatre ans à venir

Les délégués du Congrès ont adopté le Manifeste de Paris « Défendons la solidarité pour des emplois de qualité, les droits des travailleurs et une société juste en Europe », qui met en avant les priorités de la CES pour une meilleure Europe. Le Manifeste de Paris reprend les grandes lignes du Plan d’Action de la CES 2015-2019 également adopté au Congrès.

Les textes adoptés essaient de répondre aux difficultés que rencontre le monde du travail dans l’ensemble des pays européens en prônant un syndicalisme moins institutionnalisé et plus proche du terrain. Ils s’articulent autour de trois piliers : une économie forte au service des citoyens, des syndicats plus forts pour la défense des valeurs démocratiques et de la démocratie au travail et un socle de normes sociales ambitieuses.

  • Premier axe : Une économie forte au service du citoyen. Cette partie s’appuie sur la nécessaire relance de l’investissement et de la demande intérieure pour changer le cours de l’économie européenne. La CES a rappelé que le plan Juncker, certes un premier pas qui va dans la bonne direction, n’est cependant pas suffisant pour relancer durablement la croissance et l’économie en Europe. Elle rappelle le projet qu’elle porte depuis 2013 d’une « nouvelle voie pour l’Europe », 2% de PIB pendant 10 ans pour établir une nouvelle base industrielle et créer des emplois de qualités et des opportunités éducatives ». La CES demande « à être consultée sur les projets sélectionnés pour bénéficier du plan d’investissement », et que « les critères de sélection doivent donner priorité à la création d’emplois de qualité et inclure des objectifs sociaux et environnementaux ». Un autre enjeu pour le mouvement syndical est de peser sur la gouvernance économique européenne et de mettre en place une « coordination renforcée, y compris pour les syndicats » dans la zone euro.
  • Deuxième axe : Des syndicats plus forts pour la défense des valeurs démocratiques et de la démocratie au travail. Les salaires doivent être augmentés conformément aux gains de productivité qui sont réalisés afin de soutenir la demande intérieure européenne. Pour cela, la négociation collective et les accords contraignants doivent être renforcés car ils constituent, lorsque menés « au niveau approprié entre partenaires sociaux (..) la meilleure façon d’assurer des salaires corrects et de bonnes conditions de travail ». La CES rappelle toutefois que la fixation des salaires doit rester « compétence nationale et être traitée conformément aux pratiques nationales et aux systèmes de relations sociales en vigueur ». Concernant la revendication d’un salaire minimum légal qui doit être fixé en concertation avec les partenaires sociaux, la CES recommande « d’entamer des discussions sur une référence commune pour le salaire minimum légal national, applicable dans les pays où il existe ».
  • Troisième axe : un socle de normes sociales ambitieuses. La CES demande un « nouvel agenda social ambitieux » assurant de meilleurs conditions de vie et de travail notamment, ainsi qu’un « protocole de progrès social européen » pour lutter contre le dumping social et réaffirmer la prédominance des droits fondamentaux sur les intérêts économiques. Dans ce cadre, une révision de la directive sur le détachement des travailleurs est nécessaire afin de garantir le principe d’égalité de traitement. L’égalité hommes-femmes, la fin de la « tendance à la déréglementation », illustrée par le programme « Meilleure réglementation » et l’initiative « REFIT », sont autant d’autres points clés du plan de travail et du Manifeste de ces quatre prochaines années.

Plus de détails sur le contenu des documents:

  • Manifeste de Paris
  • Plan d’action de la CES
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Luca Visentini

Une nouvelle équipe à la tête de la CES

Ce XIIIe Congrès s’est également doté d’une nouvelle équipe à la tête de la CES, avec un nouveau secrétaire général issu du syndicat italien UIL, Luca Visentini, et d’un nouveau président, Rudy De Leeuw (FGTB, Belgique).

Les autres membres de la direction confédérale sont :

  • Secrétaires généraux adjoints : Veronica Nilsson (Suède – LO) et Peter Scherrer (Allemagne – DGB),
  • Secrétaires confédéraux : Liina Carr (Estonie – EAKL) ; Esther Lynch (Irlande – ICTU) ; Montserrat Mir Roca (Espagne – UGT) ; Thiébaut Weber (France – CFDT).

Communiqué le 16 octobre 2015