Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG)

Vers l’institutionnalisation de l’austérité et de la non-croissance en Europe?

Le Conseil d’Etat ayant rendu son avis le 21 décembre 2012, le projet de loi n° 6449 portant approbation du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (ci-après le «TSCG») sera prochainement débattu à la Chambre des députés. Le TSCG a été signé le 2 mars 2012 par 25 Etats membres de l’UE (tous sauf le Royaume-Uni et la République tchèque) et est entré en vigueur le 1er janvier 2013, même avant que tous les parlements, y compris la Chambre des députés luxembourgeoise, n’ait eu besoin de l’approuver, car il suffisait que 12 des 17 Etats membres de la zone euro aient ratifié ce nouveau traité pour le faire entrer en vigueur dans les 25 pays signataires. Pour l’OGBL, ceci est une nouvelle preuve qu’au cours de la construction européenne la démocratie nationale est graduellement déconstruite et des compétences souveraines de plus en plus importantes sont transférées à des instances européennes non-élues démocratiquement comme la Commission européenne et la Cour de justice européenne. Le Conseil d’Etat est d’ailleurs également d’avis que le TSCG «attribue à la Cours de justice et à la Commission des compétences nouvelles non inscrites dans le droit de l’Union actuel et qui interfèrent directement dans l’ordre interne». C’est pourquoi, le Conseil d’Etat demande que le vote de cette loi en projet respecte les règles de la majorité prévues à l’article 114 de la Constitution, c’est-à-dire que soient réunis au moins les deux tiers des suffrages des députés présents, les votes par procuration n’étant pas permis.

L’OGBL rappelle que la Chambre des salariés dans son avis du 22 octobre 2012, décidé à l’unanimité, a arrêté «ne pas pouvoir acquiescer aux dispositions de ce traité».

Cette politique n’aura aucun effet sur la croissance et l’emploi

D’après l’exposé des motifs «le TSCG vise à préserver la stabilité de la zone euro dans son ensemble en obligeant les parties contractantes à maintenir des finances publiques saines et soutenables grâce au respect de règles spécifiques visant à prévenir tout déficit public excessif pouvant entraîner une dynamique pernicieuse de leur dette publique». Or, ce traité ne renforcera et n’améliorera pas la coordination des politiques économiques dans l’Union dans le sens d’une mise en place de politiques économiques communes qui viseraient à réaliser les objectifs inscrits dans le traité sur l’Union européenne en son article 3[1], mais prévoit essentiellement la mise en place d’un carcan budgétaire établi sur des critères économiques douteux et contestés par la plupart des économistes indépendants. Ce traité risque de créer la base légale pour perpétuer la politique d’austérité menée actuellement en Europe, politique qui crée le chômage, qui détruit la qualité de l’emploi, qui fragilise la protection sociale, qui augmente les inégalités, qui renforce la précarité, l’exclusion sociale et la pauvreté et qui donc n’est pas compatible avec les objectifs affichés dans le traité sur l’Union européenne.

Les libertés économiques doivent être soumises aux droits sociaux fondamentaux

Pour garantir la paix sociale en Europe et pour préserver notre niveau de vie, il faut faire une toute autre politique, une politique de stimulation économique, une politique créatrice de nouveaux emplois notamment dans le secteur de l’énergie et des technologies de l’environnement, une politique coordonnée en matière industrielle menant à une ré-industrialisation de notre vieux continent. Les dirigeants politiques européens doivent avoir le courage d’introduire de nouveaux impôts coordonnés sur les revenus du capital, les transactions financières, les grandes fortunes, les bénéfices commerciaux qui sont trop souvent utilisés pour satisfaire l’appétit des actionnaires et des fonds d’investissement au lieu d’être utilisés pour développer l’entreprise, pour améliorer la qualité des produits et des services et pour assumer la responsabilité sociale et environnementale qui incombe aux entreprises. L’Union européenne et les Etats membres ont besoin de ces ressources pour mener une politique conforme aux objectifs de l’Union et aux attentes des citoyens européens.

Ensemble avec la Confédération européenne des syndicats (CES), l’OGBL soutient l’idée de mettre en place des politiques économiques coordonnées tout comme l’objectif d’assainissement graduel des finances publiques mais rejette les mesures de «gouvernance économique» telles que visées par le TSCG et qui menacent les acquis sociaux des dernières décennies, étouffent le développement durable, la relance économique et l’emploi et détruisent les services publics.

Pour toutes ces raisons, l’OGBL rejette le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire sous sa forme actuelle et ce d’autant plus que la dimension sociale de l’Union européenne manque singulièrement de substance et fait les frais de la politique actuellement mise en œuvre.

L’OGBL demande avec insistance au gouvernement et au parlement luxembourgeois de s’engager fermement et sans hésiter en faveur d’un contrat social européen voire d’un protocole social  européen juridiquement contraignant qui garantirait notamment que les libertés économiques et les règles de concurrence soient soumises au respect des droits sociaux fondamentaux en Europe. Le premier devoir d’un élu politique devrait être la défense des droits et des acquis de ses citoyens et non la défense des libertés des détenteurs du capital qui ne représentent qu’une toute petite minorité dans le monde.

Communiqué par l’OGBL
le 21 janvier 2013


[1] “L’Union … œuvre pour … une économie sociale de marché …, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement … Elle … promeut la justice et la protection sociales, l’égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l’enfant ….”