Halte à la politique de privatisation! – Un changement de cap est nécessaire

La pandémie du Covid-19 a démontré une fois de plus le caractère essentiel des services publics et non-marchand. Les services publics et non-marchand ont en effet garanti que la vie quotidienne et l’économie puissent continuer à fonctionner, malgré les restrictions imposées en raison de la pandémie. Les services publics et non-marchand ont de fait un rôle important d’amortisseur de crises, qu’elles soient sanitaire, économique ou sociale. De l’autre côté, la crise sanitaire a aussi mis en évidence l’impact néfaste des politiques d’épargnes, de privatisation et de libéralisation entreprises par le passé.

Or, malgré la reconnaissance de ce rôle essentiel, on a l’impression que les politiques de privatisation, déjà graduellement mises en place depuis les années 1990, se sont encore renforcées d’un cran ces derniers mois au Luxembourg.

Mais en même temps, peut-être aussi précisément en raison des expériences faites au cours de la crise, on constate que l’opposition à ces politiques est en train de grandir. On l’a vu en particulier lors de la récente mobilisation de milliers d’enseignants, ainsi que de l’ensemble des syndicats d’enseignants, en partenariat avec des associations d’étudiants, contre le projet de loi no 7662 du ministre de l’Éducation nationale, qui prévoyait l’ouverture du recrutement des directeurs des lycées spécialisés pour des personnes venant du secteur privé.

Grâce à cette large mobilisation, pleinement soutenue par l’OGBL qui avait d’ailleurs déjà planifié un piquet de protestation, le projet de loi n’a finalement pas été soumis au vote à la Chambre des Députés. Rappelons toutefois que le ministre Meisch n’a pour l’instant ni retiré ni même amendé son projet. Et que des projets de loi très similaires, concernant les directeurs et directeurs adjoints du SCRIPT et de l’IFEN, mais aussi du Commissaire aux sports, ont été déposés à la Chambre des députés.

La question des directions ne constitue toutefois que la pointe de l’iceberg dans le cadre d’une tendance rampante de privatisations, qui touche désormais les branches les plus diverses du secteur public. Ne citons que :

  • le recours à des sociétés de sécurité privées dans les communes de Luxembourg et de Differdange pour assurer des missions revenant à la Police Grand-ducale
  • l’externalisation des laboratoires dans les hôpitaux
  • les tentatives visant à utiliser le virage ambulatoire pour favoriser la prise en charge d’activités extrahospitalières par des entités privées
  • le remplacement projeté de la ligne de chemin de fer entre Esch-sur-Alzette et Audun-le-Tiche par une ligne de bus qui sera opérée par une entreprise privée
  • l’exploitation prévisible des lignes de tram vers Esch et Belvaux par des entreprises de droit privé plutôt que par les CFL
  • l’achat de programmes scolaires et l’externalisation de la correction d’examens à des multinationales dans le cadre de l’enseignement secondaire public
  • le fait de favoriser le développement de la concurrence entre les écoles au lieu d’une approche intégréeainsi que, de manière plus étroitement liée à la crise du Covid-19:
  • la reprise en main de l’analyse des données et de la politique de communication du «large scale testing» par Arendt Consulting, PWC et KPMG après l’échéance du contrat avec l’établissement public LIH
  • l’externalisation, prévue dès le départ, de la coordination et de l’encadrement des nouveaux centres de vaccination

Cette liste n’est pas exhaustive.

La seule justification avancée par le gouvernement pour expliquer ces évolutions semble consister dans le fait de dire que de telles décisions en faveur de privatisations ne constituent pas un fait nouveau et qu’il existe des précédents. Par conséquent, de plus en plus de services publics et non-marchand se voient externalisées et privatisées, suivant une stratégie de saucissonnage.

Ces politiques ne profitent finalement qu’aux entreprises privées qui obtiennent ainsi des marchés publics lucratifs. Elles ne profitent certainement pas aux salariés. Les expériences passées de privatisation ont en effet montré qu’à chaque fois, les salariés employés dans les nouvelles entités créées sont soumis à des conditions salariales et de travail inférieures à celles qui étaient en vigueur avant la privatisation. Ceci vaut également dans le cas où l’État reste actionnaire majoritaire, voire le seul actionnaire, alors que le prestataire public en question est transformé en établissement de droit privé. Sans exception, ces politiques de libéralisation se sont toujours faites au détriment des conditions de travail, de salaire et de protection contre le licenciement du personnel concerné.

Elles ne profitent également guère aux consommateurs, qui ne bénéficient pas des prétendus bienfaits de la concurrence et se retrouvent face à des monopoles privés. Au lieu de viser l’intérêt général — qui devrait être l’objectif premier de tout service public — ces derniers visent en effet en premier lieu la maximalisation de leur marge bénéficiaire. La perte évidente de qualité offerte par nombre de services, qui étaient pris en charge antérieurement par des opérateurs publics, en est le résultat direct.

Pour l’OGBL, les limites du supportable sont désormais atteintes. Le gouvernement a tiré une leçon essentielle de la crise économique et financière de 2008, à savoir le refus de mettre en œuvre une nouvelle politique d’austérité, qui minerait le pouvoir d’achat des ménages et ainsi prolongerait la crise économique. Il est grand temps aussi qu’il se rende compte de la valeur essentielle des services publics et non-marchand, tout particulièrement en temps de crise. Il est donc grand temps d’inverser la tendance et de mettre un terme à la privatisation rampante des services publics et non-marchand. Dans l’intérêt de toute la société.

Communiqué par le département Fonction publique de l’OGBL,
le 18 décembre 2020