Le mot du président

Sur le sérieux des «recommandations» de Bruxelles et le saut miraculeux du mur des pensions

André Roeltgen, Präsident des OGBL
André Roeltgen, Président de l‘OGBL

L’OGBL s’est toujours montré critique envers les «recommandations» annuelles adressées au Luxembourg par la Commission bruxelloise. Des «recommandations» qui, en ce qui concerne la situation luxembourgeoise, ne se distinguent pas par l’objectivité de leurs analyses, mais bien davantage par leurs attaques incantatoires et répétitives à l’encontre des intérêts du salariat. Après lecture de l’édition de cette année, une toute autre question s’impose: doit-on vraiment les prendre encore au sérieux?

Quelle autre conclusion tirer en effet, alors que la Commission bruxelloise continue allègrement de répéter sa revendication visant une détérioration supplémentaire de notre système de pensions public et solidaire et qu’en même temps, une étude réalisée sous la responsabilité du Conseil bruxellois Ecofin constate que le «mur des pensions luxembourgeois» a tout d’un coup reculé de 20 ans?

Le même groupe d’experts qui en 2012 (au moment de l’opposition syndicale contre la réforme annoncée) pronostiquait le «mur des pensions» pour l’année 2031, démolit désormais ce mur dans sa nouvelle étude et le déplace dans ce lointain avenir que représente l’année 2054.

Ceci, en sachant que l’étude de 2012 prenait déjà en compte la réforme des pensions annoncée, tout comme l’étude de 2015. Et cela, à chaque fois, sans augmentations de cotisations! L’OGBL n’a pas changé d’avis. Ces statistiques sur le long terme ont leur place dans la poubelle qu’on réserve à la propagande à base de boules de cristal. Et la réforme des pensions de 2012 était, est et reste superflue et rétrograde. Au regard du déplacement miraculeux du mur des pensions, la Commission bruxelloise ferait bien de suspendre, également pendant 20 ans, ses attaques contre notre système de pensions! Cette proposition s’adresse également au patronat luxembourgeois.

L’OGBL dénonce également l’affirmation de la Commission bruxelloise selon laquelle les coûts pour les soins de longue durée – soient en lien avec l’assurance-dépendance – viendraient remettre en question la «viabilité» des finances publiques. Nonobstant l’analyse erronée de la Commission, il se dissimule derrière la «recommandation» visant à davantage «d’efficience en matière de coûts», une volonté politique de démonter la qualité et la prestation des soins.

Dans le cadre de la discussion avec le gouvernement à propos de la réforme de l’assurance-dépendance, l’OGBL n’acceptera ni une dégradation de la prestation, ni une dégradation de la qualité. Il renvoie dans ce contexte à son accord du 28 novembre 2014 avec le gouvernement.

La deuxième «recommandation» de la Commission bruxelloise – sur trois au total – s’en prend au système luxembourgeois de formation et de négociations des salaires qui, pendant des décennies, a garanti la paix sociale et l’attractivité du site économique luxembourgeois. Cela est également devenu, avec le temps, une tradition annuelle, même si cette fois-ci pour une fois, le système d’indexation des salaires et des retraites, n’est pas explicitement cité. L’OGBL salue le fait que le gouvernement ait répondu à la Commission bruxelloise que les adaptations légales et automatiques décrites ci-dessus ne conduisent pas à des «dérives» en matière de salaires. L’OGBL fait un pas supplémentaire dans sa critique: Bruxelles devrait enfin cesser de s’immiscer dans la politique nationale qui reste souveraine en matière de négociations et de formation des salaires. Indépendamment du fait que l’analyse des salaires luxembourgeois faite par la Commission bruxelloise laisse apparaître de graves déficits objectifs, il semblerait qu’elle n’ait toujours pas compris que c’est précisément l’articulation «luxembourgeoise» entre salaire social minimum, index et système de conventions collectives de travail, qui rend possible que la formation des salaires soit adaptée aux secteurs d’activités et aux entreprises. La Commission de Bruxelles ne ferait-elle pas mieux de s’engager politiquement en faveur d’une évolution positive des salaires dans les pays européens afin de renforcer le pouvoir d’achat et cela au profit du marché commun? Ce n’est que de cette manière, en y associant une importante politique d’investissements publics, que l’Europe sortira de la situation actuelle marquée par un déficit catastrophique en investissements! L’OGBL renouvelle sa revendication en vue de l’adaptation structurelle du salaire social minimum et pour des augmentations salariales réelles au Luxembourg.

Dans le cadre des discussions portant sur la loi PAN qui expirera fin 2015, l’OGBL n’a pas seulement revendiqué l’introduction légale de la sixième semaine de congé payé, mais également une régulation légale plus efficace du temps de travail flexible et une meilleure définition des heures supplémentaires. Par ailleurs, l’OGBL rejette une flexibilisation négative supplémentaire au détriment des intérêts du salariat. Il existe un besoin urgent d’agir dans l’autre sens. L’importante intensité de travail, l’importance des heures de travail prestées réellement durant l’année, les nouvelles exigences et les nouveaux besoins organisationnels qui se posent à la femme et à l’homme, tous deux pris dans le monde du travail, imposent un demi-tour législatif et une revalorisation du système des conventions collectives de travail pour tout ce qui relève du temps de travail.