Le mot du président

«Continuons ainsi, nous sommes sur la bonne voie»

André Roeltgen, Président de l‘OGBL
André Roeltgen, Président de l‘OGBL

L’exploitation de l’Homme par l’Homme a atteint un niveau record. Selon OXFAM, organisation internationale d’aide au développement, le déséquilibre en matière de répartition des biens atteindra en 2016 des proportions inégalées jusqu’à présent sur notre planète: 1% de la population mondiale sera plus riche que les 99% restant! Et les 80 personnes les plus riches à travers le monde vont posséder davantage que les 50% des plus pauvres de la population mondiale. Depuis le début de la crise en 2009, leur fortune a explosé de près de 19%(!).
Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit à l’échelle mondiale une croissance économique de 3,5%. Nous connaissons déjà la réponse à la question, à savoir comment sera répartie cette plus value générée par le travail humain, en considérant la statistique évoquée ci-dessus.

L’Europe fait partie de cet ensemble et se dirige dans la même direction. Taux de chômage record, pauvreté sociale et inégalités en progression. L’économie européenne fait du sur place ou est au mieux en très légère croissance. Le niveau d’investissement est beaucoup trop bas et nous sommes sous la menace d’une calamiteuse déflation des prix. Dans son «Examen annuel de la Croissance 2015», la Commission de Bruxelles constate elle-même nombre de ces réalités. Cependant il y a une chose qu’elle ne fait pas; elle ne pose pas la question la plus importante: Ne se pourrait-il pas que la politique d’austérité qu’elle mène depuis des années ainsi que la politique de dumping salarial et social tout comme cette politique qui vise uniquement la réduction de la dette et la baisse des dépenses publiques constituent la raison principale pour laquelle l’Europe se trouve dans cette piteuse situation. Cette absence d’autocritique a pour conséquence que la Commission n’a rien d’autre à offrir aux citoyens européens qu’un «Continuons sur notre lancée, tout va bien».

Le 26 janvier, l’OGBL a invité le gouvernement luxembourgeois à œuvrer fermement en faveur d’une nouvelle orientation politique ainsi qu’à s’engager pour une révision des règles du jeu dans le cadre du soi-disant «semestre européen» qui étouffent actuellement les marges de manœuvre financières ou les réduisent trop fortement. Le marché intérieur européen a d’urgence besoin d’une importante reprise de la demande. Cela passe par deux voies. D’un côté, il faut un sursaut au niveau des investissements publics visant un développement économique et social respectueux de l’environnement et ménageant les ressources naturelles. De l’autre côté, il faut relancer le pouvoir d’achat des ménages. Les détériorations au niveau de la sécurité sociale, des revenus et de la répartition de la charge fiscale doivent être stoppées et inversées.

Ce qui est valable pour l’Europe, l’est également pour le Luxembourg. Les lamentations concernant l’état des finances publiques sont complètement déplacées. D’après Eurostat (3e trimestre 2014) le Luxembourg a après l’Estonie le dette publique la moins élevée (22,9% du PIB) d’Europe (moyenne: 86,6%) et a en plus réussi à réduire sa dette au cours de l’année dernière de 5%. Seuls la Pologne et l’Irlande ont fait «mieux»! L’OGBL reste par conséquent d’avis que le paquet d’économie du gouvernement, dont 80% des mesures affectent les ménages, est superflu.

L’accord que les syndicats représentatifs au niveau national ont signé le 28 novembre 2014 avec le gouvernement ne fait qu’atténuer les conséquences du paquet d’économie. Il ne fait rien de plus. L’OGBL attend du gouvernement qu’il respecte l’accord et qu’il passe rapidement à la mise en pratique des points qui ne l’ont pas encore été comme par exemple l’introduction d’un droit de travail à temps partiel combiné à une retraite partielle ou bien encore l’augmentation de l’indemnisation en cas de congé parental. Il n’y aura pas de contrepartie de la part de l’OGBL par rapport à l’accord du 28 novembre. La contrepartie a déjà été réalisée, à savoir la pacification du conflit dans le cadre du vote du budget pour 2015.

C’est pourquoi l’OGBL refuse toute confusion entre cet accord et celui que le gouvernement a signé le 14 janvier 2015 avec le patronat. Et plus encore. Ce dernier accord contient des intentions qui sont inacceptables pour le salariat au Luxembourg. L’OGBL ne permettra ni une dégradation de l’organisation du temps de travail, ni une détérioration du salaire social minimum qualifié. Le gouvernement ferait mieux de légiférer avec prudence, afin de favoriser, de manière générale, le dialogue social dans le cadre des négociations de conventions collectives de travail. Il ne devrait pas non plus se laisser tenter de prendre partie unilatéralement pour le patronat dans le secteur du nettoyage dans lequel se déroule actuellement un lourd conflit. Par ailleurs, le Luxembourg est leader en Europe en ce qui concerne le risque de pauvreté auprès des salariés (working poor). Il est temps par conséquent de réfléchir à une revalorisation structurelle du salaire social minimum.